Les cégeps veulent plus d'autonomie
La fédération remet en question la nécessité d'avoir 60 % dans tous les cours
Marie-Andrée Chouinard
Édition du vendredi 16 avril 2004
Mots clés : Québec (province), Éducation, Cégep
Puisque l'accès au diplôme collégial est une «course à obstacles», les cégeps
proposent d'éliminer les irritants: ils remettent en question l'épreuve
ministérielle en français, la nécessité d'avoir 60 % dans tous les cours et
l'épreuve-synthèse de programme, des éléments actuellement obligatoires pour sortir du
cégep diplôme en poche.
Dans l'audacieux branle-bas de combat du réseau collégial qu'elle propose, la
Fédération des cégeps non seulement suggère d'assouplir les conditions d'obtention
du DEC mais réclame une plus grande autonomie, à la manière des universités, pour bâtir
les programmes, décerner les diplômes, fixer les conditions d'admission et décider de
la tâche des enseignants.
Plus d'autonomie : voilà donc la toile de fond qui colore les suggestions de la
Fédération des cégeps, qui dévoilait hier un cahier de 16 orientations soumises à la
réflexion dans les 48 collèges membres de la Fédération des cégeps, qui permettra la
présentation d'un mémoire lors du Forum sur l'avenir de l'enseignement
collégial, prévu en juin.
Voyant dans ce forum à venir une occasion de «changements majeurs», la fédération suggère
aussi le mariage de la formation professionnelle et technique, l'adaptation de la
formation générale aux diverses voies de spécialisation que compte le collège ainsi
qu'une multiplication des diplômes en fonction du niveau de compétences atteint par
les étudiants.
«Nous avions franchi un premier pas en 1993 [lors de la réforme Robillard] dans la voie de
l'autonomie, c'est un deuxième pas que nous croyons être prêts à franchir», a
indiqué le président de la Fédération des cégeps, Gaëtan Boucher. «Nous mettons cela au
jeu pour alimenter le débat.»
La Fédération des cégeps affirme s'être inspirée des commentaires que lui a formulés
le ministre de l'Éducation, Pierre Reid, dans le cadre de la commission parlementaire
sur les universités, à la mi-mars. «Les collèges à l'extérieur sont beaucoup plus
autonomes quant à la loi qui les constitue, ce qui n'est pas le cas au Québec», avait
détaillé M. Reid. «Ils définissent leurs programmes comme on le fait dans les universités,
ils signent leurs diplômes, ils gèrent leur contrat de travail», et le passage à la
formation universitaire se fait mieux, avait-il ajouté.
Reprenant ces bases émanant du ministre de l'Éducation lui-même, la Fédération des
cégeps a conçu son modèle d'autonomie en se basant sur des comparaisons avec des
collèges ailleurs au Canada et en Amérique du Nord, de même qu'en pointant les
tendances qui se dessinent partout dans le monde.
«Plus de latitude ne suffit plus», juge la Fédération des cégeps. «Pour continuer
d'avancer, les collèges doivent franchir une nouvelle étape et disposer des outils qui
leur manquent pour faire les bons choix. Ils doivent acquérir une véritable autonomie
institutionnelle», ajoute l'organisme, qui évalue les besoins financiers de son réseau
à 95 millions récurrents de plus par année.
Au centre des importants changements proposés souffle un vent de décentralisation : que
l'on donne à chacun des collèges le loisir de concevoir les programmes de formation,
une responsabilité qui incombe actuellement à l'État, et que les conditions
d'admission, l'organisation scolaire (la tâche des enseignants, pas les salaires)
ainsi que la remise des diplômes soient aussi du ressort des établissements.
«Au collégial, l'obtention du DEC est une véritable course à obstacles, c'est le
ministre de l'Éducation qui le dit comme ça», a expliqué Gaëtan Boucher. «Pourquoi
est-ce qu'on demanderait à nos étudiants plus d'exigences qu'ailleurs et dans
nos propres universités ?»
L'épreuve ministérielle en langue et littérature, dont la réussite est obligatoire
pour l'obtention du DEC depuis 1997, fait partie des «obstacles» ciblés. De même que
le fait d'obliger les étudiants à une moyenne de 60 % dans chacun de leurs cours
plutôt que d'exiger une moyenne cumulative, «comme à l'université». La réussite
obligatoire de l'épreuve-synthèse de programme (depuis 1998) et un standard rehaussé
en langue seconde à compter de 2005-06 sont aussi au nombre des «obstacles» soulignés par
la Fédération des cégeps.
S'agit-il là d'une volonté de diplômer à rabais ? «Il n'est pas question de
faire de la diplomation à rabais», a répliqué M. Boucher. «Mais on questionne le fait
qu'au Québec, pour obtenir un DEC, c'est plus exigeant qu'ailleurs sur cette
basse terre. Notre objectif n'est pas d'augmenter les taux de diplomation mais
d'ajuster nos standards à ceux qui nous entourent.»
Alors que la Fédération des commissions scolaires du Québec a causé un «électrochoc» dans
le réseau collégial en novembre dernier en proposant une refonte du réseau qui
impliquerait l'abolition des collèges tels qu'on les connaît ainsi que la création
de «collèges d'enseignement professionnel et technique», les cégeps reprennent
exactement la même idée d'«intégrer la formation professionnelle et technique dans une
seule filière de formation», mais ils en revendiquent la responsabilité.
Une façon de cautionner le rapport (Denis) Bédard ? «Le seul élément qu'on peut
cautionner du rapport Bédard concerne le cheminement des 16-20 ans, c'est tout», a
répondu Gaëtan Boucher. Pour le reste, l'analyse économique -- qui concluait à des
économies de 1,3 milliard en scindant le réseau collégial pour le redistribuer au
secondaire et à l'université -- ne tient pas la route, a assuré le président de la
Fédération des cégeps, qui répliquera d'ailleurs la semaine prochaine à ce rapport
Bédard avec sa propre analyse, menée par l'économiste Pierre Fortin.
«On n'était pas dans le champ gauche tant que ça avec notre idée», a commenté hier
André Caron, président de la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ). «Et
admettons qu'on se soit trompé du simple au double avec notre analyse économique, on
parlerait toujours bien de 500 millions en économies ! Avons-nous les moyens de nous
priver de cela ?»
La FCSQ, à laquelle on avait reproché de présenter une analyse économique dénuée
d'approche pédagogique, promet de présenter au forum sur les cégeps une contrepartie
pédagogique, sous forme de cheminements scolaires possibles et «fluides».
La Fédération des cégeps croit aussi que la formation générale (anglais, philosophie,
français et éducation physique) doit être maintenue, tant au volet préuniversitaire
qu'au volet technique, mais que ses «finalités pourraient être réévaluées». «Ne
devrait-on pas, en 2004, se poser la question : est-ce que les humanités classiques sont
nécessaires sous une même forme dans toutes les voies de formation ?», a demandé M.
Boucher.
Le fait d'offrir des formations à durée variable en formation technique et de
sanctionner tous les parcours des étudiants, quels qu'ils soient, avec un diplôme,
compte aussi au nombre des propositions de la Fédération des cégeps, qui prône aussi un
meilleur arrimage avec les universités.
À bas l'empire monopolistique du mal!!!
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