Les réfugiés au Québec sont privés de prêts et bourses
Des milliers de personnes en attente de leur statut de résident permanent doivent renoncer
à une formation universitaire
Marie-Andrée Chouinard
Édition du jeudi 11 mars 2004
Mots clés : Québec (province), Réfugié, Éducation, prêts et bourses
Au Québec, des milliers de réfugiés en attente du statut de résident permanent n'ont
toujours pas accès au régime de prêts et bourses même si cette situation à saveur
discriminatoire a été corrigée par le gouvernement fédéral l'an dernier.
Ils ont le statut de réfugié reconnu en vertu de la convention de Genève. Ils attendent
impatiemment leurs papiers de résident permanent, ce qui peut prendre de six mois à quatre
ans, parfois beaucoup plus. Ils vivent au Québec et souhaiteraient fréquenter une de ses
universités, mais ils n'en ont pas les moyens. Pour couronner le tout, le régime
québécois de prêts et bourses ne leur est pas accessible car ils ne sont ni citoyens
canadiens ni résidents permanents, deux des conditions d'admissibilité au seul système
de soutien financier des études disponible au Québec.
Cette situation, dénoncée par les groupes de soutien aux personnes réfugiées, irrite
doublement ceux qui talonnent Québec pour changer son règlement car Ottawa a consenti à
ces changements l'an dernier, à la faveur du dernier budget fédéral. À l'exception
du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest, l'ensemble des provinces canadiennes ont
désormais corrigé le tir, soit en arrimant leur propre système provincial, soit en offrant
l'aide financière par l'entremise du Programme canadien de prêts aux étudiants
(PCPE).
«Nous sommes surpris, voire outrés que le gouvernement du Québec refuse d'harmoniser
ses programmes administrés par l'Aide financière aux études avec ceux du reste du
Canada», a écrit fin janvier le directeur général de la Table de concertation des
organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, Stephan Reichhold, dans un
envoi destiné au premier ministre Jean Charest ainsi qu'aux ministres Pierre Reid
(Éducation) et Michelle Courchesne (Immigration et Relations avec les citoyens).
Cette situation «discriminatoire et inacceptable» est pourtant dénoncée depuis plusieurs
années, ce qui indigne d'autant plus M. Reichhold, qui s'est adressé à plus
d'un ministre de l'Éducation à ce sujet au fil du temps, mais sans succès.
«L'argument qu'on nous sert semble être d'ordre financier, on nous parle de
coûts de deux millions de dollars», explique-t-il. «Mais ça n'a pas de sens de
calculer cela comme ça, ces gens ont le droit d'accéder aux études.»
Au cabinet du ministre de l'Éducation, on indiquait hier être «sensible» à ce dossier,
qui n'a cependant pas fait l'objet d'une décision ferme et est toujours
analysé. «Nous sommes sensibles à la question et conscients de ce qui se fait ailleurs au
Canada », a indiqué hier Caroline Richard, attachée de presse du ministre Pierre Reid. «On
travaille encore là-dessus, c'est un dossier qui nous préoccupe.» Une décision doit
d'ailleurs être prise fin avril ou début mai, a-t-elle ajouté.
Saada Abdi connaît parfaitement ces embûches, et le fait qu'on n'y remédie pas lui
semble «ridicule». Fuyant la Somalie en 1992, Mme Abdi est entrée au Canada à l'âge de
30 ans avec quatre marmots sous les bras. Elle a reçu son statut de réfugiée mais a dû
attendre jusqu'en 2001 pour avoir celui de résidente permanente, qui aurait pu lui
ouvrir la porte de l'aide financière, indispensable pour entrer à l'université.
«Je n'avais pas les moyens, mais c'était pourtant mon rêve d'avoir une
maîtrise en relations interculturelles», explique Saada Abdi, aujourd'hui intervenante
au Centre social d'aide aux immigrants.
«Je suis triste pour tous ces jeunes que je croise et qui travaillent en usine à 7 $
l'heure au lieu d'aller au collège ou à l'université», explique Mme Abdi. «Et
on ne parle pas d'un cadeau fait par le gouvernement ! On parle d'un prêt étudiant
à rembourser avec intérêts !»
Il est difficile de calculer le nombre de personnes qui «sont dans les limbes», selon
Stephan Reichhold, mais elles seraient des milliers. Chaque année, le Québec reçoit entre
3000 et 4500 réfugiés, et les prévisions pour 2004 se chiffrent à 5000. Comme certains
attendent plusieurs années avant de recevoir le sceau de la résidence permanente, «les
chiffres s'additionnent et se cumulent, c'est difficile de connaître le nombre
exact de personnes susceptibles de demander de l'aide financière».
Rappelons que le gouvernement fédéral a consenti des modifications à son programme de
prêts et bourses dans son budget 2003. Depuis août dernier, toutes les personnes reçues
réfugiées en terre canadienne sont admissibles au PCPE.
Votre E-mail gratuit à
http://www.webarabic.com
____________________________________________________________
Constituez votre propre service d'e-mail sur le Web à l'adresse
http://www.zzn.com