En 1993, les libéraux avaient dit non à la fin des cégeps
Une étude du ministère de l'Enseignement supérieur avait évalué le coût de
l'opération à 750 millions
Marie-Andrée Chouinard
Édition du mercredi 26 mai 2004
Mots clés : Québec (province), Éducation, cégeps, enseignement supérieur
Dissoudre le réseau collégial pour le transposer au secondaire et à l'université
entraînerait des coûts d'immobilisation de 750 millions de dollars et la fermeture de
plusieurs cégeps, a tranché une étude produite par le gouvernement Bourassa du début des
années 90, qui a rejeté le scénario de démantèlement des collèges.
Infaisable sur le plan technique, sans intérêt pédagogique, problématique au chapitre des
ressources humaines, trop coûteux et sans intérêt financier : le ministère de
l'Enseignement supérieur et de la Science (MESS) a étudié le scénario de démantèlement
du réseau collégial peu avant la réforme des cégeps opérée en 1994, mais il a repoussé
cette option.
Dans un document obtenu par Le Devoir en vertu de la Loi d'accès à l'information,
le défunt MESS argumente en une trentaine de pages sur sa décision de «refaire le choix
des cégeps».
Le rapport interne du MESS, Pourquoi faut-il refaire le choix des cégeps ?, a été produit
en 1992, en guise de prélude à la réforme de l'enseignement collégial de 1993, menée
par la ministre responsable de l'époque, Lucienne Robillard. Il cite toutes les
raisons pour lesquelles des études secondaires de six ans jumelées à un baccalauréat
spécialisé de quatre ans ne constituent pas un scénario alternatif à retenir.
Dix ans plus tard, c'est pourtant le scénario que privilégie la Fédération des
commissions scolaires du Québec (FCSQ) dans le rapport de Denis Bédard, qui propose une
«réingénierie» de l'enseignement secondaire et post-secondaire. Le réaménagement, lié
à une économie de un milliard de dollars, préconise l'abolition des cégeps tels
qu'on les connaît pour une redistribution des deux années pré-universitaires vers le
secondaire et l'université.
Le rapport Bédard propose aussi la création de «collèges d'enseignement professionnel
et technique» pour regrouper la formation autre que pré-universitaire.
La totalité de cette option a pourtant été balayée du revers de la main par le
gouvernement libéral du début des années 90. Sous la houlette de Lucienne Robillard, qui a
présidé à l'une des plus imposantes réformes du collégial en 1993, le scénario a été
évalué en toute discrétion par le MESS sans faire l'objet de grands débats publics à
l'époque.
Les cégeps correspondent à un «choix gouvernemental et social toujours valable»,
pouvait-on lire d'ailleurs dans le rapport qui a soutenu cette réforme, intitulé Des
collèges pour le Québec du XXIe siècle. Pourquoi ?
«Parce que les coûts pédagogiques, académiques, humains et financiers d'un grand
redécoupage institutionnel seraient injustifiés et excessifs», note le rapport. «Temps,
énergies, ressources : les analyses même sommaires de tous les scénarios envisageables
montrent à l'évidence que l'aventure serait coûteuse.»
C'est notamment l'étude produite par la Direction générale de l'enseignement
collégial (DGEC) du MESS qui a permis au gouvernement de conclure ainsi. «Après avoir
examiné ce scénario [sixième secondaire, quatrième année d'université et instituts
techniques] sous l'angle de la faisabilité technique, de ses implications pédagogiques
et de ses principaux impacts financiers, nous arrivons à la conclusion qu'il faut
refaire le choix des cégeps», note le document d'entrée de jeu.
L'examen effectué par le ministère dirigé par Mme Robillard craint une note trop
salée, invoquant surtout les dépenses d'immobilisation liées à l'arrivée d'un
flux d'étudiants en sixième secondaire et en première année d'université. Facture
de ces nouveaux espaces : 750 millions de dollars (quelque 900 millions en dollars
d'aujourd'hui), plus 75 millions par année en intérêts engendrés par ces dépenses,
calculait Québec il y a plus de dix ans.
En plus des nouvelles constructions coûteuses, l'utilisation des espaces déjà
construits, en l'occurrence les cégeps, n'entraînerait peut-être aucune dépense
mais créerait des «inconvénients» liés à la «cohabitation de plusieurs administrations et
de plusieurs clientèles distinctes au même endroit».
Supposant que les cégeps n'accueilleraient plus que la formation technique, une
sous-utilisation des bâtiments pourrait aussi entraîner la fermeture de certains cégeps,
notamment dans les régions où les écoles pourraient elles-mêmes abriter la sixième année
du secondaire. Les cégeps de Matane, de La Pocatière, de l'Outaouais, de
l'Abitibi-Témiscamingue, de Baie-Comeau, de la Gaspésie et des Îles, d'Heritage,
de Rimouski, de Rivière-du-Loup, de Sept-Îles et de Sherbrooke sont alors directement
évoqués en guise d'exemple.
Ailleurs, au contraire, la capacité d'accueil limitée des commissions scolaires ainsi
que des universités forcerait la construction de nouvelles bâtisses, une option jugée
inabordable.
Outre les arguments financiers, le casse-tête logistique né de la cohabitation de
plusieurs administrations logeant à une même enseigne était perçu comme un inconvénient
par le gouvernement d'alors. La réaffectation des ressources humaines du collégial
vers le secondaire et l'université cause aussi quelques tourments : «Qui, des
enseignants de collège actuels, serait affecté au secondaire et qui, à l'université ?
Affectation sur la base de l'ancienneté ? sur la base de la scolarité ?», pose le
rapport, qui évoque aussi les difficultés liées à l'intégration des nouveaux profs.
Calculant le nombre d'heures d'enseignement par semaine d'un professeur du
secondaire, plus important qu'à l'université, Québec compte alors «qu'il
n'est pas certain que l'effet net des déplacements de personnel représentera une
économie réelle au niveau du nombre de postes d'enseignants».
Sur le plan pédagogique, on précise que les programmes d'enseignement de la sixième
secondaire devront être créés de toutes pièces et que les programmes de première année
universitaire devront être adaptés. «Des choix devront être effectués», note-t-on.
Le rapport produit par le MESS effectue aussi une comparaison entre le financement des
élèves en plus au secondaire -- financement lié en partie à l'impôt foncier -- et à
l'université -- où le coût unitaire par élève est le plus élevé. Il calcule une
économie possible de 85 millions par année, un fardeau qui libérerait le gouvernement mais
serait redirigé vers les étudiants eux-mêmes (droits de scolarité) ou les citoyens (taxe
scolaire plus élevée).
En plus de l'imposition de droits de scolarité pour la nouvelle clientèle
universitaire, l'aide financière aux étudiants augmenterait de 33 à 43 millions,
apprend-on.
Pour toutes ces raisons, le gouvernement de l'époque a donc choisi de «refaire le
choix des cégeps», une option qui sera discutée de nouveau lors du forum sur l'avenir
de l'enseignement collégial, les 9 et 10 juin prochains. «Le modèle actuel du collège
québécois doit-il être maintenu tel quel ?», demande le document de consultation produit
il y a quelques semaines par le MEQ. «Sous quels aspects doit-il être ajusté ? Doit-il
être revu en profondeur ?»
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Occupations militaires - La prostitution érigée en système
Richard Poulin
Professeur, département de sociologie, Université d'Ottawa; professeur invité,
Universität Innsbruck; auteur de La Mondialisation des industries du sexe, à paraître à
l'automne
Édition du mercredi 26 mai 2004
Les soldats de la force de l'OTAN au Kosovo (KFOR) et le personnel de l'ONU
contribuent à alimenter l'essor de la prostitution dans la province de Serbie à
majorité albanaise, affirme Amnesty International dans un rapport rendu public le 6 mai
dernier.
Selon l'organisation de défense des droits humains, 20 % des clients des réseaux de
prostitution au Kosovo sont des soldats de la KFOR et des policiers de la MINUK (Mission
des Nations unies), qui contribuent de la sorte à fournir «une part substantielle des
revenus», évaluée à 70 %, de l'industrie du sexe.
Il semble paradoxal que dans un pays qui a connu les horreurs de la guerre civile,
certaines des violations des droits humains les plus élémentaires soient commises par la
communauté internationale censée apporter la paix et permettre la reconstruction du pays.
Toutefois, ce paradoxe n'en est pas un : le stationnement de troupes armées
d'occupation développe les infrastructures prostitutionnelles et, par conséquent, la
traite des femmes et des enfants aux fins de prostitution. Cet essor se traduit également
par une augmentation de la clientèle locale et régionale.
La mise en place de telles infrastructures est encouragée, sinon pilotée par les forces
d'occupation. Elle est l'une des fondations sur lesquelles se déploie le tourisme
sexuel.
Les installations récréatives de la Corée
L'industrie massive de la prostitution et la traite des êtres humains qui
l'accompagne en Asie du Sud-Est a pris son essor grâce aux guerres du Viêt-nam et de
Corée.
À la fin des années 50, le gouvernement américain et la République de Corée ont signé un
traité de défense mutuel qui a formellement accordé des bases militaires aux troupes
américaines en Corée du Sud. Une des clause du traité prévoyait la mise en place de Rest
and Recreation sites pour les soldats américains. Dans ces sites, les bordels étaient
subventionnés par le gouvernement coréen, qui a ainsi pu édicter ses règles : il a estimé
que des filles «de réconfort militaire» devaient «servir» 29 militaires par jour. Le
gouvernement a même évalué que les contacts sexuels ne devaient pas dépasser les 30
minutes.
La pauvreté engendrée par la guerre ainsi que ses dislocations familiales et sociales ont
permis au gouvernement coréen de recruter des femmes en promettant un emploi
gouvernemental bien payé mais qui, en fait, était celui de prostituée pour les soldats
américains.
À la fin des années 90, on dénombrait 18 000 personnes prostituées enregistrées et 9000
non enregistrées au service des 43 000 militaires états-uniens stationnés en Corée.
Aujourd'hui, 8500 femmes, originaires surtout des Philippines et de la Russie, sont
victimes de la traite aux fins de prostitution pour les militaires américains de la Corée.
Elles ont pu entrer au pays au moyen de visas de «divertissement» délivrés par le
gouvernement à la suite de négociations avec l'association des propriétaires de bars
des camptowns.
En 2003, un rapport du ministère de la Défense américain reconnaissait que les soldats
américains avaient «encouragé» la traite de femmes aux fins de prostitution en Corée.
Les bordels de réconfort nippons
Entre 1937 et 1945, l'armée japonaise d'occupation a utilisé entre 100 000 et 200
000 Coréennes qui ont été incarcérées dans des comfort stations (bordels de réconfort). Ce
système était institutionnalisé : des officiers nippons recevaient une formation de
l'armée pour apprendre à bien gérer l'approvisionnement en marchandises inanimées
et vivantes pour le «réconfort» des soldats. La majorité des prostituées
(approximativement 80 %) était d'origine coréenne, la plus ancienne colonie japonaise.
Au fur et à mesure de la guerre et de l'occupation de divers pays par les troupes
impériales, des bordels ont été ouverts et approvisionnés en femmes provenant des
nouvelles colonies de Chine, des Philippines, de Birmanie, d'Indonésie, de la
Malaysia, de Singapour et du Timor. Ces femmes étaient jugées inférieures d'un point
de vue racial, ce qui légitimait leur esclavage sexuel. Elles étaient régulièrement
battues et torturées. Si elles tombaient enceinte, elles étaient assassinées.
Quelques jours seulement après la défaite japonaise, l'Association pour la création
d'installations récréatives spéciales, financée indirectement par le gouvernement
japonais, ouvrait un premier bordel de réconfort pour les troupes américaines
d'occupation. À son point culminant, cette association «employait» 70 000 personnes
prostituées japonaises.
Les Rest and Recreation sites en Thaïlande
À la différence de la Corée, les Rest and Recreation sites développés pendant la guerre du
Viêt-nam n'ont pas été directement rattachés aux bases militaires. Ces établissements
se sont développés en Thaïlande et aux Philippines. Les États-Unis ont conclu une entente
avec la Thaïlande en 1967 pour que le pays soit un lieu «de repos et de loisir» pour ses
soldats. C'est un général de la Royal Air Force thaïe qui a négocié cette entente qui
a permis un afflux énorme de devises fortes dans l'économie du pays. Son épouse a
dirigé la première agence de tours sexuels de la Thaïlande pour les militaires américains.
Approximativement quatre millions $US ont été prêtés à l'époque au pays pour financer
la construction des nombreux Rest and Recreation sites. Entre 1962 et 1976, environ 700
000 militaires américains sont allés «se reposer et reprendre des forces» dans les bordels
thaïlandais. On estime aujourd'hui à deux millions le nombre de personnes prostituées,
dont 300 000 enfants, en Thaïlande, une destination prisée des touristes sexuels.
L'utilisation d'«installations récréatives» fait encore partie des politiques du
Pentagone. Immédiatement après la première guerre contre l'Irak, les troupes
américaines ont été envoyées en Thaïlande pour y prendre du «bon temps».
La Bosnie-Herzégovine
La traite des femmes a radicalement augmenté avec la présence de la mission de
pacification de l'ONU en Bosnie-Herzégovine. L'histoire de la mise en place de
l'Arizona Market en Bosnie est édifiante à cet égard. Ce vaste marché détaxé, créé en
1992 par la SFOR (Force de stabilisation de l'OTAN), porte le nom d'un désert
américain car les autorités militaires des États-Unis y ont piloté la création d'une
zone franche «pour réconcilier par le commerce» les populations serbo-croate et bosniaque.
Dans cette zone du nord du pays, laissée sous autorité américaine et internationale après
1999, le système proxénète a établi son marché. Les femmes y sont vendues comme
l'étaient les esclaves victimes de la traite des négriers. Le processus de vente se
déroule comme suit : les jeunes femmes montent sur une scène d'un bar quelconque, y
font quelques pirouettes pendant que les acheteurs inspectent leur corps et même leur
bouche avant de faire une offre, entre 980 et 1967 $US pour les plus convoitées. Les
filles passent de main en main et sont vendues plusieurs fois. Une des mineures rapatriées
par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), âgée de 14 ans, a été
vendue 22 fois.
L'OIM évalue à 10 000 le nombre de personnes prostituées clandestines en Bosnie. En
2002, un rapport de la MINUK suspectait 227 boîtes de nuit et bars de Bosnie d'être
partie prenante dans la traite des femmes et des enfants aux fins de prostitution.
L'OIM estime que 250 000 femmes et enfants de l'Europe de l'Est sont victimes
de la traite via la Serbie et les États voisins, dont un grand nombre se retrouve dans les
nouveaux protectorats internationaux de la Bosnie et du Kosovo pour desservir soldats,
policiers et membres des ONG.
Un certain nombre de rapports font état de dissimulation de la participation d'équipes
spéciales de la police de l'ONU ou de soldats sous le commandement de l'OTAN dans
la traite des femmes et des enfants aux fins de prostitution. Mais peu à peu, la vérité
s'est frayé un chemin. Les soldats de la SFOR, le personnel de l'ONU ainsi que
celui des 400 ONG de Bosnie non seulement profitent du marché prostitutionnel comme
clients mais en sont même des trafiquants proxénètes dans certains cas.
Un rapport de l'ONU, non publié à l'extérieur de la Bosnie, met en évidence la
complicité de la police locale, de la SFOR et même de l'International Police Task
Force (IPTF) dans de nombreuses affaires de prostitution, de traite ou de «protection» de
ces industries en échange d'argent ou de passes gratuites.
Une ancienne employée de l'ONU, mise à pied après avoir dénoncé aux plus hautes
autorités de l'ONU et de la SFOR de la Bosnie-Herzégovine l'implication de
certains de leurs membres dans la traite, a intenté une poursuite en justice contre son
employeur, la société de sécurité britannique DynCorp Aerospace, une filiale de la société
américaine DynCorp Incorporated, chargée, entre autres, du recrutement des officiers de
l'IPTF. Selon ses accusations, des employés de la DynCorp ont contrefait des documents
pour faciliter le transport de femmes victimes de la traite en Bosnie.
En 1998, des accusations ont été portées contre des soldats italiens, portugais et
égyptiens, sous le commandement de l'OTAN, pour leur implication dans un réseau de
prostitution d'enfants -- des fillettes âgées de 12 à 14 ans -- à Sarajevo. L'OTAN
a écarté ces allégations du revers de la main.
Ajoutons à ce sombre tableau le fait que les accords de paix de Dayton de 1995 permettent
à l'ONU «le mouvement complet et libre» et ne lui confèrent «aucune responsabilité
pour des dégâts à la propriété». L'annexe B accorde l'immunité juridique au
personnel de l'OTAN pour ses actions «dans toutes les circonstances et à tout moment».
Il est désormais soumis «à l'autorité exclusive» de la justice des pays d'origine,
peu importe les infractions criminelles commises en Bosnie.
Au Kosovo, une loi interdisant le trafic des femmes a été promulguée en février 2001.
Toutefois, les dispositions visant à protéger les victimes n'ont pas encore été mises
en application. Des membres de la force internationale de maintien de la paix et des
forces de la police civile qui ont été soupçonnés d'être impliqués dans la traite des
femmes n'ont pas été poursuivis malgré les dispositions juridiques applicables en la
matière. Pour l'instant, la MINUK n'a fait qu'édicter un code de conduite et
distribuer massivement des préservatifs à ses troupes..Les pouvoirs occidentaux gouvernent
les «protectorats» de la région comme les anciens maîtres coloniaux dirigeaient leurs
empires. La prostitution y est érigée en système. La communauté internationale est
complice des trafiquants : la Bosnie et le Kosovo sont désormais deux plaques tournantes
de la traite d'êtres humains et de la prostitution.
À bas l'empire monopolistique du mal!!!
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