Camarades, comparses, consoeurs et confrères,

Je soumets aujourd'hui ma candidature au poste de secrétaire aux communications de l'ASSÉ. Par la présente lettre, je retracerai les grandes lignes de mon historique militante, de même que certaines réflexions quant au poste de secrétaire aux communications en tant que tel.

C'est à l'automne 2004, avec mon entrée au Cégep du Vieux-Montréal, que commence mon militantisme étudiant. Jeté rapidement dans le tourbillon de la campagne de grève de 2005, je découvre alors une panoplie de concepts avec lesquels je n'étais que peu familier, voire étranger : gratuité scolaire, rapport de force, autogestion, syndicalisme de combat, moyen de pression, action directe, diversité des tactiques. L'hiver 2005 a été pour moi une naissance, les années suivantes, un apprentissage, une évolution, une transformation. Mon implication militante à l'AGECVM m'a donné le goût d'un investissement personnel accru dans la cause étudiante. Ainsi, à mon arrivée à l'Université de Montréal, à l'automne 2006, j'ai été élu au poste de coordonnateur aux affaires externes de l'AÉHUM (histoire premier cycle). C'est dans le cadre de ces responsabilités exécutives que j'ai été familiarisé avec les structures de l'ASSÉ, soit les congrès, mais surtout les CRAM. L'année suivante, suite à un changement de programme, je me suis retrouvé au poste de coordonnateur aux affaires académiques de l'AESPEP (baccalauréat bidisciplinaire en science politique et philosophie), poste que j'ai occupé de l'automne 2007 à l'automne 2009. Dans cette association, j'ai travaillé d'arrache-pied à une campagne d'affiliation à l'ASSÉ, campagne qui s'est soldée par une victoire. J'ai pris congé de responsabilités exécutives pour les deux années subséquentes, jusqu'à la deuxième année de ma maîtrise en philosophie. C'est donc depuis septembre 2011 que j'occupe le poste de coordonnateur aux cycles supérieurs de l'ADÉPUM (philosophie). Les mois d'octobre et novembre 2011 ont été marqués par un processus d'affiliation à l'ASSÉ au sein de l'association, qui s'est soldé encore une fois par une victoire. Cette affiliation a marqué le coup d'envoi de la campagne contre la hausse des frais de scolarité à l'ADÉPUM, campagne qui ne cesse de culminer depuis l'entrée en grève de l'association le 20 février dernier. Dans ces circonstances, les associations militantes de l'Université de Montréal ont créé la Table de grève (TaG-UdM) afin de synergiser leurs efforts; j'y ai été élu comme coordonnateur. Dans le cadre de ces fonctions, j'ai pu entrer en contact avec une panoplie d'associations dont le militantisme a jailli en pleine grève et ainsi acquérir une connaissance plus exhaustive du «terrain-UdM». Le moment fort du militantisme sur le campus a été, selon moi, la lutte contre l'injonction demandée par l'administration de l'université, lutte dans laquelle – j'en ai la conviction – la coordination de la TaG a joué un rôle important, notamment lors de la réunion du 12 avril, qui a rassemblé autant des délégations que des membres de comités de mobilisation et des éluEs de la CLASSE. Le 19 avril suivant, la TaG a orchestré une sortie médiatique aux côtés d'autres syndicats du campus (employéEs de métier, employéEs de soutien, employéEs de recherche, étudiantEs salariéEs) afin de dénoncer la judiciarisation du conflit, le recours à des compagnies de sécurité privées et la «gestion désastreuse» du conflit à l'UdM. Et l'administration a reculé.

Cette expérience a été une première pour moi en ce qui a trait aux médias dits «traditionnels». Très rapidement, j'ai compris que je n'étais pas dans un environnement de même nature que celui de mon champ d'études. Historiquement, la philosophie a entretenu un rapport conflictuel avec l'ordre de la δόξα (doxa), de l'opinion, du discours public, le plus souvent le théâtre d'un jeu rhétorique en quête d'un effet spectaculaire plutôt que le lieu d'un réel débat faisant honneur à la vérité et à une réelle communication. De là, deux paradoxes. De un, celui d'une association, telle que l'ASSÉ, qui cherche à mettre en lumière, afin de combattre, les dynamiques d'exploitation et de marchandisation qui sont le fait du système capitaliste : pourquoi irait-elle se mouiller dans les eaux vaseuses des médias dits «de masse»? Si je pose ma candidature au poste de secrétaire aux communications, c'est parce que je crois que de petites victoires sont possibles à ce niveau. Non, le changement ne se fera pas à TVA, il ne se fera pas au Devoir, il ne se fera pas sur internet, mais si la CLASSE a été capable d'imposer au rythme effréné des médias le temps de la démocratie directe (non sans anicroches dont il faut absolument prendre acte), c'est qu'il demeure possible de percer, par moments, le voile spectaculaire des grands médias. Et, si nous ne prenons pas parole en notre nom, d'autres la prendront pour nous. Le second paradoxe est celui d'un étudiant en philosophie, comme moi, qui se porte candidat aux communications. Étudiant précisément les concepts d'idéologie et d'industrie culturelle, j'entretiens déjà une certaine méfiance à l'égard de la sphère médiatique, méfiance alimentée par les siècles de tradition philosophique qui nous précèdent. Et cet état d'esprit est celui d'une approche critique. La question n'est pas de savoir si nous devons jouer l'idéologie contre elle-même, mais bien de savoir comment faire cela. Notre organisation entretient un rapport conflictuel avec les médias grand-public. En aucun cas elle ne doit chercher à étouffer ce conflit, l'apaiser par une approche consensuelle ou le voiler. À une invitation d'entrevue, nous répondrons par l'affirmative et nous devrons mettre en exergue que notre discours, comme nos pratiques, est en rupture avec le langage mielleux du «consensus» libéral. Autrement dit, ne reculons pas devant ce qui fait de nous un mouvement singulier.

Je suis convaincu que, suite à notre grève, il devient essentiel d'étendre et de consolider le message de l'ASSÉ, et ce de manière fidèle à ses fondements progressiste, altermondialiste, libertaire et féministe.

Salutations militantes,

Ludvic Moquin-Beaudry