Merci, Blandine. Pour tout ton temps et pour toute l'énergie et la sincérité de ton engagement. Et merci pour ces observations qui, je l'espère, sauront faire leur chemin dans les réflexions militantes.




2013/6/17 Blandine Parchemal <blandach@gmail.com>

Camarades,


Au vu du dépôt de ma candidature en avril dernier pour un deuxième mandat au sein de l’exécutif de l’ASSÉ, ma démission actuelle peut apparaître surprenante. En effet, peu de temps s’est écoulé depuis. Pourtant, alors que début avril, je me sentais encore de l’énergie et de l’envie de continuer à m’impliquer dans l’exécutif de l’ASSÉ, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Ma fin de session a été extrêmement difficile et j’ai pris conscience de mon épuisement psychologique et physique. À cela, se sont ajoutées des angoisses liées à ma situation financière compliquée et à ma scolarité malmenée cette année. Je m’étais dit que je prendrais l’été pour me reposer, mais au vu de ce qui m’attends à la rentrée, je n’aurais de toute façon plus  les moyens matériels de m’impliquer à nouveau dans l’exécutif de l’ASSÉ.

 

Même s’il y a eu des moments difficiles, j’ai été très fière de défendre les positions de l’ASSÉ durant cette année. Comme je l’ai écrit dans ma lettre de candidature en avril, parmi les organisations étudiantes existantes, seule l’ASSÉ défend une véritable conception de l’éducation, une conception qui ne se limite pas à des demandes pécuniaires mais qui remet en cause la voie marchande que prend l’éducation, une conception qui s’attache à en défendre le caractère public et son importance en tant que bien collectif pour l’avenir de notre société. Seule l’ASSÉ inscrit sa lutte pour l’éducation dans une perspective plus large qui est celle d’une remise en cause des politiques néolibérales mises en place dans l’ensemble des services publics à travers, entre autre, l’implantation du principe utilisateur-payeur. Et je souhaite ardemment qu’elle continue à faire de même dans l’avenir.


Néanmoins, je me permettrais ici de lancer quelques réflexions critiques faisant suite à mon expérience:

Si au sein de l’ASSÉ, la critique interne est très présente, elle a cette tendance forte à souvent aller dans un seul sens, l’autre flanc critique étant dès l’abord mis de côté, étant dès l’abord considéré comme non pertinent. Ainsi, on en arrive au paradoxe que tout en accentuant sur l’importance de l’inclusivité et de la consultation des membres, certaines positions sont rejetées sans même qu’on prenne le temps d’en débattre.

L’argument souvent invoqué pour mettre de côté ces positions est celui de la tradition et des positions historiques de l’ASSÉ. Or, si la prise en compte des positions historiques de l’ASSÉ est importante, à se fier uniquement sur ces positions passées, il y a pourtant un risque qui est celui de la perte de véritables débats réflexifs et politiques au sein des associations membres, puis en Congrès. De fait, à quoi bon faire des Congrès s’il s’agit uniquement de suivre les positions historiques de l’ASSÉ? L’exécutif aurait en effet simplement à consulter les positions passées, puis à annoncer ensuite la position actuelle de l’ASSÉ au vu de celles-ci et ce, sans qu’aucune consultation des membres n’ait eu lieu. En somme, le principe de démocratie directe n’aurait plus de contenu puisque tout serait déjà joué à l’avance. 


Cet appel à la tradition a, en autre, été présent cette année durant la question de la participation ou non de l’ASSÉ au sommet sur l’enseignement supérieur : à plusieurs reprises, j’ai entendu l’argument selon lequel « puisque l’ASSÉ n’avait jamais participé à des instances de concertation, alors elle ne devait pas participer au sommet », c’était la logique des choses, point final.

Cet argument d’autorité a finalement conduit à une situation où aucun texte de réflexion n’a été produit sur la question de la participation au sommet, alors même qu’au sein des associations membres la situation n’était pas si homogène. Le débat n’a pas eu lieu et on s’est retrouvé avec un Congrès qui a débouché dans un premier temps sur un 23/23 ou quelque chose de semblable.

Ainsi, alors que, d’une part, des interrogations auraient pu être soulevées quant à la présupposée perte de pureté de l’ASSÉ si elle participait au sommet (si l’ASSÉ avait participé au sommet en y défendant ses positions et en critiquant son déroulement, en serait-elle ressortie moins forte? Aurait-elle perdu sa force de mobilisation? Au vu des votes de grève perdus dans plusieurs cégeps suite à l’annonce du boycott, il semble bien au contraire que non) et que, d’autre part, une réflexion sur l’impact de la non-participation quant à la suite des travaux du sommet aurait pu être produite, rien de tout cela n’a eu lieu. L’ASSÉ n’a ainsi été invitée à participer à aucun des chantiers ayant fait suite au sommet et ne peut avoir connaissance de leur déroulement et de leur orientation. Loin de moi l’idée de dire que des « gains » vont  sortir de ces chantiers. Simplement, ces chantiers concernent des domaines importants de l’avenir du système d’éducation québécois et l’ASSÉ n’a actuellement aucune prise critique dessus. Qu’est-ce qui va sortir par exemple du chantier sur le futur conseil des universités? Ainsi, s’il est difficile de voir ce que le boycott du sommet a apporté en terme de mobilisation, on peut s’interroger en revanche sur ses conséquences en terme de perte de contrôle critique sur les décisions prises derrière les portes closes du ministère quant à l’avenir de notre éducation.

 

Pour ma part, un de mes plus importants regrets est justement de ne pas avoir produit de texte de réflexion à ce sujet, de ne pas avoir « osé » si  je puis dire affronter la critique pour lancer le débat sur la participation. C’est d’ailleurs me semble-t-il, un des risques à l’avenir dans l’ASSÉ : que les membres n’osent plus prendre des positions critiques hors de ce qui est perçu comme la « bonne ligne » par peur d’être étiquetés comme « traitres » ou « carriéristes ». Que les membres n'osent plus confronter des positions politiques à travers des textes de réflexion. Entendons-nous, il ne s’agit pas d’appeler à piler sur les anciennes positions de l’ASSÉ mais à maintenir la discussion et le débat à leurs égards (qu’est-ce que le syndicalisme de combat en temps de non-grève par exemple?). Il est d’ailleurs intéressant de relever, qu’en Congrès, les délégué-e-s qui ont des mandats différents de la ligne dite « radicale » osent souvent moins dans un premier temps aller les défendre au micro. Comme quoi, les rapports de domination ne sont pas toujours là où on les dénonce le plus souvent.

Loin de moi ici l’idée de « déconstruire » l’ASSÉ. Au contraire, c’est parce que j’aime profondément l’ASSÉ que je livre ces réflexions. Lorsque j’ai assisté à mes premiers Congrès de la CLASSE, j’ai été impressionnée par la qualité des interventions et des débats politiques qui avaient lieu en Congrès. J’aimerais que cela continue.


Enfin, je souhaite bonne chance et bon courage au nouvel exécutif actuel. J’espère néanmoins que de nouvelles candidatures viendront s’ajouter cet été afin de les aider.


Solidairement,


Blandine Parchemal.


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Ludvic