Bonjour,

Je suis en échange étudiant à Rio de Janeiro, au Brésil et en ce moment  il y a au pays un fort mouvement populaire, dont l'initiative est née à Sào Paulo. La hausse du prix des transports en commun dans plusieurs grandes villes du pays  a été la goutte qui a fait déborder le vase et a lancé la mobilisation, mais les revendications dès le départ visaient beaucoup plus large (transport abordable et de qualité, dénoncer les conséquences de la tenue de la Copa de la FIFA (2014) comme les expulsions dans les favelas et l'augmentation du coût de la vie, augmenter la part du budget accordée à l'éducation et la santé).

Voici un survol rapide des événements (qui n'est pas exhaustif, il manque bien des infos, même concernant spécifiquement la mobilisation à Rio de Janeiro et il y a bien des éléments qu'il serait intéressant d'annoter ici sur principaux débats en cours dans le mouvement ou sur le contexte sociologique, politique, culturelle et historique de cette lutte sociale brésilien, mais mettons que je vais essayer (sans faire de promesses) de compléter une autre fois et que je suis bien ouverte à ce qu'envoie des commentaires ou questions):

La mobilisation, qui s'est organisée via les reseaux sociaux, a connu une croissance exponentielle. À Rio de Janeiro, la première manifestation du 6 juin comptait quelques centaines de personnes, une semaine plus tard, le 13 juin, déjà se mobilisaient plusieurs miliers de personnes  (http://www.youtube.com/watch?v=aY5rDZziWQ0).  Le 17 juin, 100 000 personnes participaient à la manifestation, regroupant beaucoup d'étudiant-es et de jeunes, mais aussi des travailleurs et travailleuses qui se joignait à la masse à la sortie du bureau, encore en vêton-cravate ou tailleur. Cette nuit là, alors que le feu prenait à l'Assemblée Législative de Rio de Janeiro (http://www.youtube.com/watch?v=hrOQrxFMaVo), la manifestation occupait le Congrès National dans la capitale du pays à Brasilia (http://www.youtube.com/watch?v=b74PCWTMwpc   et http://www.youtube.com/watch?v=jKC1gAoHM3o). 
Le 20 juin, 1 millions de personnes étaient dans la rue. Jusqu'à présent des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes (Fortaleza, Brasilia, Porto Alegre, Goîana, Niteroi, maceio, etc.) des différents états du Brésil.

Les gouvernements des États et du pays, tout comme les maires des villes sont forcées par le mouvement à lui concéder des gains sociaux; http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2013/06/28/au-bresil-les-politiques-multiplient-les-concessions-aux-manifestants_3438485_3222.html.
Mais ceux-ci sont loin des suffisants et plutôt que d'apaiser la mobilisation, ils lui donnent un nouveau souffle.

Les féministes luttent aussi pas mal fort de ces temps-ci, contre le projet de loi sur Estatuto do nascituro et contre la cura gay...
-L'estatuto do nascituro: Le 15 juin, à Rio de Janeiro et à São Paulo ont eu lieu des manifestations pour dénoncer le projet de loi Estatuto nascituro. Au Brésil, l'avortement est criminalisé (ce qui signifie que les femmes qui sont prises à se faire avorter vont en prison), sauf dans trois circonstances particulières, soit en cas grossesse suite à un viol, en cas de problèmes de santé grave de la femme enceinte ou si l'enfant à naître serait gravement malade (non viable). Ici, de nombreuses femmes voient chaque année leur santé mise en péril (décèdent) par des avortements clandestins. Malgré le fait que l'avortement soit légal en les circonstances énumérées précédemment, dans certaines régions du Brésil, il n'y a tout simplement pas de clinique qui offre ce service ou bien les délais sont prolongés par un refus du médecin à faire ce type d'acte professionel (qui implique prise d'un nouveau rendez-vous). Le projet de loi dénoncer aujourd'hui aurait entre autre pour effet, s'il est adopté, de criminaliser tout type d'avortement peu importe la cause de la grossesse, mais aussi de reconnaître l'agresseurs d'un viol comme père officiel de l'enfant à naître. Cela impliquerait de lui faire payer une pension pour cet enfant, lui reconnaissant éventuellement des droits de visites. Ce projet de loi, c'est non seulement l'invasion de la moralité religieuse dans la loi, une tentative d'instaurer un contrôle toujours plus grand de l'État sur le corps des femmes, mais c'est aussi et surtout carrément légitimer la culture du viol!

-La cura gay: Le 19 juin, la Comission des Droits Humains (CDH) du Brésil, avec à sa tête un pasteur de évangélique (evangélico) extrêmement conservateur (le package deal raciste, homophobe, sexiste, etc, etc ) vient d'approuver le projet de "cure gay" (Sic) qui donne droit au psychologue de recommander à leur patients de "soigner" (sic) leur homosexualité et de les accompagner dans ce processus. Et cela alors que les statistiques de l'an passé révèlent que 200 jeunes homosexuels étaient agressé-e-s en moyenne par mois à Rio de Janeiro (et c'est seulement les cas qui ont fait l'objet de dénonciation). 

Actuellement, loin d'être en train de s'épuiser, le mouvement tente de s'organiser sur une base horizontale, afin d'éviter la récupération politique par un parti ou des soit-disant ''liders''. Alors qu'à Sao Paulo le mouvement Passe Livre a déjà constitué des assemblées populaire de quariter, à Rio de Janeiro l'initiative commence à prendre forme suite à la dernière pléniaire de lutte. Celle-ci s'est tenue le 25 juin, elle regroupait plus de 3000 personnes et a voté les revendications suivantes; tarif zéro pour le transport en commun, la démilitarisation de la police, la liberté pour les manifestant-es détenu-es.  
 
 
À la dernière manifestation dans la ville (27 juin), nous étions un peu moins (mais tout de même plusieurs miliers) et l'intimidation exercé par la forte présente de police militaire n'y est sûrement pas étrangères, plusieurs centaines de policiers ( de 300 à 500 policiers) armés de bombes lacrymogènes, de leur matraque,  de tisers et de fusil à balles de caoutchouc. La tension était palpable tout au long de cette manifestation, même si la police s'est contenté de la violence de cette menace. 
Demain, dimanche (30 juin), aura lieu une  manifestation en même temps que la final de soccer de la coupes des confédérations qui se déroulera dans le Maracana, le stade de la ville. La répression risque d'être à son comble, déjà la ville a envoyée une lettre officielle aux habitant-es du quartier proche du stade pour les avertir que la circulation (automobile comme piétonnière) sera restreinte à celle des locaux (preuve de résidence en main) cette journée-là...
Voilà où en sont les choses...

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Mais ce courriel, c'était aussi surtout pour vous informer de ce qu'il s'est passé le 24 juin où une tragédie a eu lieu dans une des favelas de Rio, forme de répression des plus atroces dans le cadre du contexte politique actuel... Car si dans les rues du centre ville, on souffre des balles de caoutchouc, dans les favelas se sont avec de vraies balles que tire la police.

Voici ci-dessous un manifeste qui a été rédigé suite à une intervention policière ayant causé la mort de 11 personnes dans les favelas de Maré, dont le titre original est '' Nota contra a violência policial: após protestos polícia realiza chacina na Maré''.
Le manifeste revendique notamment la démilitarisation de la police et le respect du droit de manifestation, du droit à la vie passant par l'arrêt des mesures répressives tels les exécutions comme mécanismes d'oppression des résident-es des favelas.

Le manifeste est ouvert à des appuis de groupes ou d'organisation des mouvements sociaux. Je ne sais pas si cela peut réellement exercer une pression sur le gouvernement de l'État, mais je me disais que recevoir des appuis de l'international c'est toujours encourageant et puis ça laisse entrevoir que la situation des résident-es des favelas n'est plus ignorée... Bref, je dis ça comme ça, si l'ASSÉ décide d'appuyer le manifeste, je m'offre pour la traduction en portugais du email. 

En pièce jointe, la version originale en portugais et une courte-pointes d'articles de journaux et de posts facebook qui retracent la chronologie des événements de cette nuit-là.

Soyez pas gêné-es de faire circuler ce courriel en tout ou en partie dans vos réseaux!
Merci!

gabrielle

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Traduction (Libre et approximative)

Manifeste contre la violence policière: 
La police répond à la protestation par une ''chasse à l'homme'' dans Maré

Les favelas de Maré ont été occupées par différentes unitées de la Police Militaire de l'État de Rio de Janeiro (PMERJ), dont le Bataillon des opérations spéciales ( Batalhão de Operações Especiais: Bope) et son équipement de guerre – caveirão (camion blindé et armé), hélicoptère et fusils- hier, 24 juin 2013. Cette occupation militaire a eu lieu suite à une manifestation qui s'est tenue à Bonsucesso pour la réduction du tarif d'autobus, comme tant d'autres ont été réalisé à travers tout le pays depuis le 6 juin. L'intervention de la police a causé la mort d'un résident dans la nuit du lundi. Un sergent du Bope a aussi trouvé la mort au cours de l'opération. L'intensification de la violence policière qui a suivi, soit l'assassinat de neuf personnes, est clairement une forme de représailles de la part de l'État. 

Diverses manifestations sont en train d'avoir lieu dans tout le pays et s'intensifient dans la ville de Rio de Janeiro. Au cours des dernières semaines, la brutalité policière se fait règle générale et nous vivons des moments où nos quartiers sont assiégés et la massa massacrée dans la ville. Lors de la dernière manifestation du 20 juin, alors que près d'un million de personnes étaient dans la rue, le pouvoir public a mobilisé la Police Militaire de Rio de Janeiro (PMERJ), notamment la police de Choque (anti-émeute), l'escouade canine ( Ações com Cães : BAC) et la cavalerie, en plus de la Force National (Força Nacional). L'intervention policière a été d'une intense violence contre la population, créant un climat de terreur dans divers quartier de la ville. 

Nous ne tolérerons pas que les expressions légitimes de l'indignation populaire soient transformées en prétexte pour justifier des intrusions violente et des occupations militaires, que cela soit contre la masse qui se manifeste dans les rues de la ville ou sur le territoire de nos favelas ou de nos banlieues!

Une occupation policière comme celle ayant eu lieu dans les favelas de Maré démontre sous son aspect le plus pervers le nouveau prétexte utilisé par les organes gouvernementaux pour donné suite à leurs pratiques historiques quant à ce qui a trait à la gestion des favelas, de leur population et de la résistance populaire. Sous prétexte de réprimer un arrastão (vols en série par un ou des gangs), la police a encore un fois fait usage d'une force démesurée contre les résident-es de Maré, une pratique coutumière pour qui vit dans les favelas. Il est important de mentionner que, quand le même argument de combattre un arrastão a été utilisé contre les manifestants dans Barra da Tijuca, nous n'avons pas entendu parler du Bope, ni d'assassinat, ce qui démontre clairement l'existence d'un traitement différencié entre les favelas et le reste de la ville (l'asphalte).

Nous dénonçons la criminalisation de toutes manifestations. Nous dénonçons la criminalisation des résident-es des favelas et de leur territoire. Nous dénonçons la ségrégation histoirique de la population des favelas – noire et/ou pauvre- dans la ville de Rio de Janeiro. 

Nous ne tolérerons pas que des exécutions sommaires soient présenter aux nouvelles comme le résultat de confrontations armées entre policiers et tranfiquants. Il n'est ici pas question d'excès, ni même de l'usage d'une force démesurée en cas d'exception : les pratiques policières ayant cours sur ces territoires violent les droits les plus fondamentaux, allant jusqu'à la violation du droit à la vie comme instrument d'oppression. La gravité de ces pratiques a été reconnue dans différents états de la fédération, si bien que le Conseil de la Défense des Droits de la Personne (Conselho de Defesa dos Direitos da Pessoa Humana : CDDPH) a produit, en décembre 2012, la résolution no 8, recommandant la fin de l'usage de terme générique comme ''acte de résistance'' e ''résistance suivie de mort'' et interdisant l'apparition de celle de ''mort découlant d'une intervention policière'' ou encore, celle de ''lésion corporelle découlant d'une intervention policière'' du registre des interventions. 

Le gouvernement fédéral est également responsable de ce qui se passe dans les favelas de Rio de Janeiro, non seulement par l'omission de la création de politiques publique, mais aussi pour maintenir les troupes de la Force National de Sécurité dans la ville, reproduisant le même modèle d'action que le gouvernement de l'État de RJ.

Les résident-es des favelas et toute la population ont le droit de manifester publiquement- mais pour se faire il faut leur garantir le droit à la vie, qui continue a être violé systématiquement sur le territoire de nos favelas et des banlieues de Rio de Janeiro et de d'autres villes du pays.

Nous exigeons la fin immédiate de l'occupation des favelas de Maré par des forces policières qui tuent ses résident-es en se justifiant par les manifestations. Nous exigeons que soit garanti le droit de s'organiser politiquement, de manifester et d'occuper les espaces publiques librement. Nous exigeons la démilitarisation de toutes polices du pays.

Le manifeste est ouvert à l'adhésion de mouvements sociaux et d'organisations par email à ce contact : contato@enpop.net. 

Assinam a nota / Ont signés ce manifeste:

Action Aid Brasil
Amálgama Cooperativa Cultural
Anota (Agência de Notícias Alternativas)
Arteiras Alimentação do Borel
Associação Angolana OMUNGA
Associação Centro Comunitário Nova Sepetiba
Associação de Moradores do Jacarezinho
Bloco Planta na Mente
Casa da Mulher Trabalhadora (CAMTRA)
Central de Movimentos Populares (CMP)
Centro de Estudos e Ações Solidárias da Maré (CEASM)
Centro Acadêmico de Letras da UFRJ (CALET – UFRJ )
Centro de Assessoria Juridica Popular Mariana Criola
Centro de Promoção da Saúde (CEDAPS)
Cidadania e Imagem-UERJ
Circuito Carioca de Ritmo e Poesia – CCRP
Círculo Palmarino
Coletivo Antimanicomial Antiproibicionista Cultura Verde
Coletivo Blogueiras Negras
Coletivo Capitalismo em Desencanto
Coletivo das Lutas
Coletivo de Artistas Faixa de Gazah
Coletivo de Estudos sobre Violência e sociabilidade – CEVIS-UERJ
Coletivo Direito de Resistência (Direito-UFRJ)
Coletivo Perifatividade
Coletivo RJ Memória Verdade e Justiça
Coletivo Tem Morador
Comitê Popular Rio Copa e Olimpíadas
Comunicação e Cultura do PSOL
Conselho Regional de Psicologia (CRP/RJ)
Conselho Regional de Psicologia (CRP/RS)
Conselho Regional de Serviço Social (CRESS/RJ)
CUCA – FACHA
DCE – FACHA Vladimir Herzog
DCE-UFRJ
Deputado Federal Chico Alencar (PSOL/RJ)
Executiva Nacional de Comunicação Social
FASE
Fórum da Amazônia Oriental (FAOR)
Fórum de Juventudes RJ
Fórum Social de Manguinhos
Frente de Resistência Popular da Zona Oeste
GESTA-UFMG
Grupo Conexão G
Grupo Eco Santa Marta
Grupo ÉFETA Complexo Alemão
Grupo Tortura Nunca Mais/RJ
Instituto Brasileiro De Análises Sociais E Econômicas (IBASE)
Instituto Búzios
Instituto de Defensores dos Direitos Humanos (DDH)
Instituto de Estudos da Religião (ISER)
Instituto de Formação Humana e Educação Popular (IFHEP)
Instituto de Imagem e Cidadania Rio de Janeiro
Instituto Mais Democracia
Instituto Raízes em Movimento do Complexo do Alemão
Instituto Telecom
ISER
Justiça Global
Laboratório de Etnografia Metropolitana (LeMetro/IFCS-UFRJ)
Laboratório de Pesquisas em Etnicidade,Cultura e Desenvolvimento – LACED/Museu Nacional/UFRJ
Levante Popular da Juventude
Luta Pela Paz
Luta Popular
Mandato do Deputado Estadual Marcelo Freixo (PSOL/RJ)
Mandato do Deputado Federal Chico Alencar (PSOL/RJ)
Mandato do Vereador Henrique Vieira (PSOL/Niterói)
Mandato do Vereador Renato Cinco (PSOL/RJ)
Movimento DCE Vivo (UFF)
Movimento de Luta nos Bairros, Vilas e Favelas (MLB)
Movimento Direito Para Quem?
Movimento dos Trabalhadores Sem Terra (MST)
Movimento Honestinas
Movimento Nacional de Luta pela Moradia (MNLM)
Movimento pela Legalização da Maconha
Movimento Pensa Alemão
Movimento Unido dos Camelôs (MUCA)
Museu da Maré
Nami Rede Feminista de Arte Urbana
Nós Não Vamos Pagar Nada
Núcleo de Direitos Humanos da PUC
Núcleo de Mulheres da FACHA “Pagu”
Núcleo de Resistência Artística (NRA)
Núcleo de Resistência Popular Socialista da Tijuca
Núcleo Frei Tito de Direitos
Núcleo Piratininga de Comunicação (NPC)
Núcleo Socialista de Campo Grande
Observatório das Metrópoles
Observatório de Favelas
Ocupa Alemão
Ocupa Borel
PACS
Partido Comunista Brasileiro (PCB)
Posse Ação Resistência
Pré-Vestibular Comunitário de Nova Brasília Complexo Alemão
PSTU
Raízes em Movimento do Complexo do Alemão
Rede de Comunidades e Movimentos Contra a Violência
Rede de Instituições do Borel
Rede FALE RJ
Rede Nacional de Jornalistas Populares (Renajorp)
Redes e Movimentos da Maré
Revista Vírus Planetário
Rompendo Amarras
SEPE/RJ
Sodireitos – Belém
Sou Niterói
União da Juventude Comunista (UJC)
União por Moradia Popular
Universidade Nômade
Verdejar Sócioambiental
Visão da Favela Brasil – Morro Santa Marta