Bonsoir à toutes et à tous,

Un groupe de militantes et militants m'a envoyé leur traduction d'un texte, souhaitant le faire partager sur ASSÉ-Support de façon anonyme. Je vous le transmets donc ici.

Solidairement,

Benjamin Gingras
Secrétaire aux finances
Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ)
Cellulaire: 514-869-6130
Site web: www.asse-solidarite.qc.ca
Twitter: @BenjGingras


====
J’ai souvenir d’avoir joué à des jeux de rôles avec mon frère lorsque j’étais très jeune. Pour conclure de façon heureuse une épique lutte entre le bien et le mal, il voulait que toutes les poupées/figurines « se marient ensemble » - garçons, filles, sorcières, dragons, démons, etc., uni-es dans une immense famille pansexuelle et polygame. J’ai souvenir de lui avoir expliqué que c’était impossible, que le mariage est célébré entre deux personnes, normalement un homme et une femme. J’en suis désolée : j’avais douze ans et ne connaissais pas mieux que cette conception des relations. Lui, en revanche, avait environ cinq ans et avait en apparence déjà plus réfléchit que moi sur la question. L’innocence des enfants à propos de l’amour, le genre, l’amitié et les relations est d’une grande beauté. Iles sont ouvert-es à toutes sortes d’expressions de genre et de relations, incluant les perspectives queers, polyamoureuses, platoniques, etc. Les « meilleurs ami-es » au primaire se fiancent et se marient constamment, sans égard au genre ou au statut relationnel. J’ai souvenir de cette innocence, je l’ai ensuite perdue. Tout d’abord, j’étais une fille. Ensuite, j’étais hétérosexuelle, puis bisexuelle, pour me demander par la suite si je n’étais pas plutôt lesbienne. Je suis ensuite devenue polyamoureuse, ensuite kinky, puis pansexuelle. J’étais soumise, puis une switch. Ensuite, j’ai questionné mon genre, j’étais female to male, puis gaie. J’étais un homme-trans, puis un homme trans. J’ai été homoflexible et une fag. J’étais transexuel-le, puis transgenre, puis transexuel-le à nouveau et finalement trans. Maintenant, je suis un trans fem / androgyne mâle utilisant le pronom « lui/il » sans aimer être appelé un homme par les étranger-es. Je serai peut-être autre chose demain. Si ça parait compliqué, vous devriez parler à certain-es de mes ami-es… mais ma propre odyssée du genre n’est pas le sujet principal de ce texte. Je veux parler du mot queer et le monde de possibilités qu’il représente pour moi. Queer est pour moi un terme qui capture l’essence de l’innocence enfantine face au genre, quand les meilleur-es ami-es peuvent se marier que l’on peut être un pompier un jour et une fée le lendemain. N’est-ce pas étrange que l’on soit supposé-es voir notre famille et nos ami-es d’une façon et nos amoureux-es d’une autre? N’est-ce pas étrange que la famille soit seulement déterminée par la biologie ou sanctifiée par le mariage et scellée par la reproduction? Pourquoi l’amour est-il condamné en absence de sexe et le sexe vilipendé en absence d’amour? N’est-ce pas étrange que l’on soit supposé-es s’attacher à une seule personne jusqu'à ce que la mort nous sépare? Le queer, pour moi, c’est beaucoup plus que l’attraction homosexuelle. Il s’agit d’une volonté de voir tous les autres tabous abolis. Bien sûr, plusieurs d’entre nous s’engagent dans cette voie lorsque nous ressentons nos premières attirances « homosexuelles », mais le queer ne s’arrête pas là. C’est une position polémique, mais le queer signifie autre chose que « gai », « bisexuel-le » ou « lesbienne ». Un-e queer est une personne qui est en arrivé-e à une vision non binaire du genre, qui reconnaît la validité de toutes les identités trans* et qui, arrivé-e à cette conception de l’identitée, a de la difficulté à définir sa sexualité d’une façon purement genrée. Les queers comprennent et supportent les relations non-monogames (sans forcement en vivre une). Iles supportent tout autant les relations asexuelles et aromantiques (quel lien y a t-il entre le sexe et l’amour, de toute façon?). Un-e queer voir la promiscuité en publique (protégée) avec des étranger-es comme tout autant saine que l’abstinence. Les queers comprennent que nous avons tous et toutes des relations variées avec nos corps. Nous comprenons la dysphorie corporelle. Nous comprenons que tous et toutes n’aiment pas être touché-es de la même façon ou d’être touché-es du tout. Nous comprenons que les personnes avec des handicaps peuvent avoir différents besoins sexuels et que les survivant-es d’agressions sexuelles peuvent avoir différents triggers. Nous pouvons créer des façons créatives et safe d’entrer dans diverses formes d’intimité avec des personnes atteintes du VIH ou de différentes ITSS. Les queers comprennent la gamme du pouvoir, des sensations et la diversité des dynamiques sexuelles. Nous sommes top ou bottom, doms et subs, sadistes, masochistes et sadomasochistes, versatiles et switches. Nous savons ce que nous aimons et ce que nous n’aimons pas au lit. Nous embrassons une vaste gamme de types de relations. Nous pouvons être partenaires, amoureux-ses, fuckfriends, partenaires platoniques, famille choisie, etc. Nous pouvons avoir des dynamiques relationnelles variées avec plusieurs personnes différentes, parfois en même temps. Nous ne croyons pas qu’une seule personne puisse satisfaire à tous nos besoins. Étant donné que nos positions sur les relations, le sexe, le genre, l’amour, les corps et la famille sont non-conventionnelles et révolutionnaires, nous sommes nécessairement anti-assimilationnistes; puisque que le système kyriarchique nous opprime et opprime notre entourage, nos actions et relations sont politiques; parce que nous voulons seulement (sur)vivre, nous combattons. Nous revendiquons seulement la liberté d’être nous-mêmes, de nous aimer et de vivre ensemble. Cette liberté nous est interdite : nous sommes en criss! Queer ne veut pas dire « ne m’étiquetez pas », ça veut dire « je m’étiquette moi-même ». Ça veut dire « demandez m’en plus si vous êtes curieux-ses » et, du même souffle, « fuck off ». Du moins, c’est ce que ça veut dire pour moi. Agé-e de 21 ans, bientôt 22, j’ai vécu certaines expériences. Peut être plus que plusieurs de mes pairs hétéros-cisgenré-es, peut être moins que plusieurs de mes ami-es queers. J’ai été déçu-e à plusieurs reprises, ai beaucoup souffert et ai perdu plusieurs illusions. J’ai également appris que les relations humaines sont plus profondes, plus larges, plus mystérieuses, plus diverses, plus perverses, plus intenses, plus libres, moins définissables et plus belles que je l’avais initialement cru. Le mot queer, pour moi, symbolise cet espoir de relations diverses, l’espoir qu’il y ait plus que deux genres et plus qu’une sorte de relations amoureuses. En bref, le mot « queer » signifie des possibilités infinies d’amour, de plaisir et d’expression de soi. Pour moi, c’est tout ce que j’aurais pu souhaiter, tout ce que j’aurais oser espérer et encore plus. Le queer et les queers sont mon espoir pour l’humanité.
==