Salutations à tous et toutes,
Je reviens tout juste d'une manif de casseroles et il se peut que mes pensées soient
taintées d'un excès d'enthousiasme dû à la magie de cette expérience, mais je
crois que ce mouvement spontané est un indicateur important de la conjoncture actuelle et
du rôle que la CLASSE doit prendre.
Tout premièrement, il faut se rendre compte de l'ampleur que prend les manifs de
casseroles. De quelques rassemblements spontanés dans certains quartiers de Montréal, des
citoyens et citoyennes de tout âge ont commencé, depuis hier, à se regrouper de coin de
rue en coin de rue pour former des manifestations de plus en plus grosse. Alors que
mercredi soir les médias rapportaient des rassemblement spontanné de quelques centaines de
personne, dont un principal au centre-ville de Montréal qui atteignait environs 5000
participant-e-s, j'ai l'impression que les rassemblement de jeudi soir ont été
trois à quatre fois plus importants. À Montréal, le plus important cortège est le résultat
d'une manifestation partant de Villeray qui s'est jointe à la manifestation
nocture du Carré Berri. J'estime à entre 15 000 et 20 000 sa participation. Mais cela
n'inclu pas les autres manifestation dans d'autres quartiers qui ne se sont pas
joint à celle-ci. On parle de plusieurs milliers de personnes dans Hochelage-Masionneuve,
des centaines dans d'autres quartier moins militants comme Ahuntsic. Et à
l'extérieur de Montréal, des rassemblement de plusieurs centaines de personnes ont eu
lieu. J'ai entendu parlé de manifs à à Laval, à Sainte-Thérèse, à Granby, à St-Jean, à
Québec, à Saint-Jérôme, À Beloil, à Saint-Eustache, à Saint-Basile, à Trois-Pistole, à
Gatineau, à Saint-Lambert, à Mont-Saint-Hilaire, à Saint-Hycinthe, à Saguenay... Et il y
en a surment eu plus, il est difficile de mesurer l'ampleur du mouvement. Et à cela,
il faut ajouter les centaines de personnes sur leur balcons qui accueil les manifs sans
s'y joindre.
Ces manifestations sont spontanées sont l'incarnation de ce que nous voulions depuis
longtemps : un élargissement de la lutte, un soutient populaire, une autonomisation de ce
soutient par l'implication spontané des travailleurs et travailleuses.
Le 22 mars dernier, l'expression "printemps érable" était prétentieuse. Le 9
avril, dire "La grève est étudiante, la lutte est populaire", c'était un
move à la limite de l'opportunisme. Depuis la gigantesque manifestation du 22 mai, ces
slogans se sont incarnés en réalité concrète. Et le mouvement des manifestations de
casseroles en est la confirmation. Aucune organisation n'a donné de mot d'ordre
pour faire des manifestations de casseroles. Pourtant, elles donnent lieu à des mouvements
gigantesques. Il y a plus de participant-e-s à ces soirées qu'à n'importe
qu'elle manifestation organisées par les bureaucraties syndicales.
Ces rassemblements spontanées ont deux choses importantes à noter. Premièrement, elles se
tiennent en appui à la lutte étudiant et en opposition à la loi 78, mais bien de
participant-e-s plus agés les interprètes aussi comme des manifestations pour
s'opposer à d'autres mesures impopulaires (on a entendu les gaz de schistes, la
corruption, l'écologie, la taxe santé....). Deuxièmement, ces manifestations sont
illégales et ça, les gens le savent. Comme ils s'opposent notamment à la loi 78, ils
en connaissent le contenu et savent qu'une manifestation spontanée est passible de
sévères amendes. Pourtant, ils et elles sont des milliers à manifester.
Il me semble donc que la CLASSE a joué un rôle crucial dans la matérialisation de ce
mouvement. D'une part, le fait d'avoir martelé depuis 2 mois le fait que notre
lutte n'était pas corporatiste a certainement contribué à poser les bases pour cet
élargissement. D'autre part, l'appel de la CLASSE à la désobéissance semble avoir
eu une énorme résonance. Les arrestations massives des derniers jour en sont le résultat
concret, et le fait que les manifestations continuent malgré celles-ci démontrent
qu'un grand nombre de personnes ont intégré la légitimité de cette désobéissance. Nous
sommes parvenus à faire dissiper la peur. Et ça, c'est probablement ce qui fait
trembler les élites politiques et économiques qui tente de calmer le jeu.
Alors, quoi faire maintenant?
Force est d'admettre que la CLASSE n'a maintenant qu'un rôle marginal à jouer
dans l'organisation quotidienne du mouvement. La force des manifs de casseroles,
c'est d'être complètement décentralisées, de n'être que la jonction de chaque
balcon, de chaque coin de rue, de chaque quartier. La force des manifs de nuit, c'est
d'avoir un sens différent chaque soir. Alors, que pouvons nous faire?
La CLASSE reste pertinente pour deux choses : les très grands rassemblement et le
leadership politique global. Je vais me concentrer sur ce second point ici.
Nous sommes devant un mouvement qui dépasse largement notre organisation. En fait, le
mouvement dépasse toutes les organisations du Québec. Les centrales syndicales ont
complètement laissés passé le bateau en suivant leur trajet donné à la police le 22 mai.
Elles ont fait une manifestation de bureaucrates à 1000 personnes pendant que des
centaines de milliers de personnes prenaient le chemin de la désobéissance. Les partis
politiques restent complètement centrés sur leurs propres agendas électoraux. Et les
groupes communautaires n'arrivent pas à s'extirper de la marginalité. Malgré
qu'elle soit dépassé, la CLASSE reste l'organisation de masse la plus connecté
avec ce qui se passe et avec le plus de leadership politique. Il nous appartient donc de
prendre l'initiative pour consolider les acquis qui sont en train de se former.
Les manifestations de casseroles ont une significations importante, comme je l'ai
précédemment expliqué, mais elles pourraient disparraitre dans la lassitude si rien
n'est fait. Contrairement au mouvement étudiant, les travailleurs et travailleuses
n'ont pas d'assemblée générale hebdomadaire pour s'informer, pour prendre des
décisions collectives, pour fixer des revendications, pour formuler une stratégie globale
et cohérente. Ce qui nous a permis de maintenir une constance, une organisation et une
forme de contrôle démocratique sur l'orientation générale du plan d'action ne leur
est pas disponible. En fait, les assemblées générales pourraient leur être disponnible par
le biais de leurs syndicats, mais ces instances ont été longtemps dépolitisés, désertés et
contrôlés par des bureaucraties dignes de nos fédérations étudiantes. Et l'ASSÉ des
travailleurs et travailleuses n'existe pas encore.
Si la CLASSE peut jouer un rôle, c'est en consolidant ces appuis, en les appuyant dans
leur auto-organisation et en leur donnant un objectif réalisable à moyen terme.
N'ayant plus de collèges à piqueter, nous pouvons maintenant déployer nos énergies
autrement et nous devrions faire de ces trois objectifs d'élargissement de la lutte
des priorités.
Bon, pour l'objectif à moyen terme, vous me voyez venir : cela fait longtemps que
l'idée de la grève sociale est dans l'air. Deux appels ont été faits jusqu'à
date et se sont soldés par des échecs relatifs : ceux du 1er mai et du 15 mai. Il faut
dire que dans les deux cas, nos appels à la grève social étaient dernière minutes, ne
s'appuyaient sur aucun mouvement de fond et étaient plus le fruit d'un romantisme
soixante-huitard que d'une réelle possibilité conjoncturel. Néanmoins, ils auront mis
sur la table les éléments nécessaire à un véritable appel qui pourrait bénéficier de la
conjoncture actuelle et du temps que nous procure la suspension des sessions. Et la CLASSE
peut, à mon sens, jouer un rôle crédible pour cette fois. Premièrement, nous avons mis en
jeu nos organisations en désobéissant et en appelant à désobéir à une loi qui anéanti
notre droit de grève. Autrement dit, notre grève est illégale, mais nous allons la
poursuive. Notre appel à la désobéissance est parvenu à se légitimer dans l'espace
public. En ce sens, il est maintenant crédible que des syndiqués emboitent le pas et
fassent des débrayages illégaux en votant des grèves pour des motifs politiques à
l'extérieur du cadre de leurs conventions collectives. Deuxièmement, nous sommes
parvenus à légitimer plus que jamais la pertinence du syndicalisme de combat et de la
grève comme moyen d'action. Il est possible à l'heure actuelle qu'un appel de
la CLASSE reçoivent un écho favorable dans la population. Et d'ailleurs, certaines
sections locales semblent effectivement commencés à réaliser cette possibilité.
Au prochain congrès, nous voteront peut-être un autre appel à la grève social, mais il
faudra faire bien plus pour que cet appel se réalise. Il faudra déployer le même genre
d'énergies et de ressources qui ont été nécessaire pour faire déclencher la grève
étudiante en février. Nous avons un soutient populaire diffus, mais nous devons établir un
plan d'action concret, un échéancier planifié, une stratégie politique face aux
syndicats et une campagne d'information massive. Nous devons avoir une idée claire sur
comment la grève sociale peut se concrétiser. Qui pourrait la mener et comment. Quelles
sont les avantages objectifs et les répercussions possibles sur ses participants. Et
surtout, sur quelles bases, quelles revendications une telle grève serait menée.
Bref, il ne faut pas prendre cela à la légère. Si, bien sûr, c'est une telle avenue
qui nous intéresse.
Sur ce, je vous souhaite une bonne fin de nuit et de belles manifestations de casseroles.
Solidairement,
- Alain Savard