De l’expérience et de l’action en politique


Suite aux réactions et au texte publié sur ASSÉ-support, il nous a semblé pertinent de rédiger cette courte réflexion sur les événements de mercredi et plus largement sur la suite de la lutte.


De la vertu

On peut passer  bien du temps à se questionner sur le nom à donner à telle ou telle journée. Si c'est le terme national (de Journée d’actions nationale) qui irrite, en ce sens qu’il semble supposer à certain-e-s quelque chose de grandiose, nous désirons souligner qu'il a pour sens d'inviter à l'organisation d'actions au-delà du cercle déjà rompu à ces pratiques. Bien entendu quand les choses sortent des mains des ''professionnels'' les choses peuvent foirer (même quand les ‘’professionnels’’ les organisent d’ailleurs).

Nous sommes tout de même quelque peu perplexes à la lecture du texte de Myriam Tardif. Bien entendu on ne peut qu'être en accord avec l'idée de faire plus attention ou plus largement de plus réfléchir à ce qui doit être fait dans le cadre d'une action. Qui peut être contre la vertu? Mais il ne suffit pas de tancer les gens en leur disant « Réfléchissez ! Il est nécessaire d’offrir des ateliers de formation à travers la province pour discuter de la mise place des réseaux de connaissances nécessaires à une lutte à la fois radicalisée et prolongée ». Ces ateliers permettraient dans une certaine mesure de briser une barrière générationnelle d’expérience sans pour autant assurer le succès à jamais des actions. En effet des actions continueront d’échouer, peu importe la préparation et l’expérience des gens qui les organiseront. C’est normal et, en quelque part, pas négatif.

 

De l’expérience

Alors même que le texte soulève la nécessité d'acquérir de l'expérience pour les nouvelles et nouveaux organisateurs et organisatrices, aucune considération ne semble porter sur le fait que l'acquisition d'expérience est fort difficile sans commettre des erreurs. On ne dit pas qu'il faille encenser sans réfléchir toute forme d'action et nous sommes persuadé-e-s que le partage plus large des connaissances peut éviter certaines erreurs, mais pas entièrement. Il nous semble qu’on se souvienne trop peu des actions ayant échoué à répétition avant 2012 et au début de la grève. Bien entendu elles ont un impact démobilisateur dans la mesure où n’elles ne contribuent pas à un enthousiasme croissant. Elles contribuent toutefois de manière puissante à un apprentissage de l’organisation politique directe qui ne saurait se faire avec plus d’efficacité qu’à travers l’expérience réelle de situations réelles. Simplement nous croyons nécessaire de saluer les camarades qui ont aujourd'hui tenté d'agir sur le politique. Non pas tant pour le résultat de telle ou telle action, mais plus largement sur la suite des choses. Nous ne doutons pas notamment que des pistes de réflexion ne tarderont pas à surgir quant à comment contrer la nouvelle brigade urbaine qui colle au cul des manifestant-e-s, donnée nouvelle n’ayant surgi qu’à la suite des actions de 2012. Les premières expériences du feu furent pour le moins difficiles, face à un corps répressif en transformation et beaucoup plus mobile, réinventons nos tactiques ! Nous avons l’avantage de l’intelligence et de la flexibilité, profitons-en !


Par ailleurs, la pratique de la grève est primordiale, car elle permet d’apprendre par la pratique, mais aussi particulièrement parce qu’elle permet les rencontres en dehors des réunions. Si les ateliers et autres rencontres sont intéressants pour apprendre, discuter et échanger des idées, les rencontres faites entre deux levées de cours, sur des lignes de piquetage, dans les minutes essoufflées après la fuite face aux anti-émeutes, les regards complices dans les manifs et les actions. La pratique de la grève, des actions et des manifestations (qu’elles échouent ou réussissent) permettent qu’on se rencontre, qu’on apprenne à se faire confiance et qu’on développe des liens qui nous permettent justement d’agir dans l’avenir avec plus de puissance.


C’est aussi dans cette pratique que la mobilisation tire l’une de ses sources. Lorsqu’on tracte, lorsqu’on diffuse de l’information, on appuie la force de ce qu’on critique/propose en ayant ces moments à annoncer : actions, manifestations, journées de grève. Un appel à l’action doit venir avec l’information, pour qu’on ne demeure pas des oiseaux de malheurs qui ne font que crier fort.

 


De la participation :

Il nous parait nécessaire de porter dans cette réflexion sur un appel à la mobilisation. Nous avons poussé pour l’adoption de la terminologie « printemps 2015 », car nous croyions, et croyons toujours qu’il y a actuellement un momentum, une urgence à s’organiser, à mobiliser et à politiser la lutte contre l’austérité et contre l’exploitation des hydrocarbures. Nous croyons que la manifestation du 31 octobre dernier et les plus de 80 000 grévistes ont démontré notre capacité à mobiliser des masses dans la rue lors de grands événements. Il n’en reste pas moins nécessaire d’organiser une résistance et une offensive qui s’articule hors de ces grandes dates qui nous offrent en spectacle à nous-mêmes. La réflexion sur ce qui doit être fait dans et hors des frontières de la légalité bourgeoise doit se faire dans toutes les associations, tous les groupes et tous les milieux. Dans les limites de la sécurité, les ateliers ont été proposés par Myriam peuvent en notre sens contribuer à ce projet, mais ne sont pas suffisants si le débat n’est pas repris partout dans les groupes pouvant se faire mutuellement confiance. Nous faisons face à un adversaire déterminé et qui se croit préparer depuis 2012 à faire face à la musique, il n’appartient qu’à nous de lui démontrer le contraire.




Finalement, nous souhaitons envoyer quelques fleurs pour la journée de mercredi.


Chapeau bas aux camarades de Saint-Laurent pour leur journée de grève locale.


Chapeau bas aux camarades du Vieux-Montréal pour leurs premières lignes de piquetage (avec le 31 octobre dernier) depuis 2007.


Chapeau bas aux camarades de l’UQAM qui ont assuré-e-s en grand nombre des levées de cours qui s’annonçaient difficiles dû aux nombreuses perturbations du calendrier cette session.


Chapeau bas aux camarades qui ont réussi à s’introduire dans le Centre du Commerce Mondial pour le perturber malgré la répression policière massive de la journée.


Chapeau bas aux camarades qui ont réussi à tenir la flicaille en haleine durant la manifestation de nuit.


Chapeau bas aux camarades qui hier n’y étaient pas, mais qui en seront la prochaine fois.




- Des camarades