Financement des universités - Les remèdes du Dr Breton
Le nouveau recteur de l'UdeM souhaite la création d'un «espace fiscal» pour soutenir l'enseignement supérieur
Photo : Jacques Nadeau - Le Devoir
Le nouveau recteur de l’Université de Montréal, Guy Breton
Au premier rang des universités québécoises pour son volume de
recherche, l'Université de Montréal n'a plus les moyens de ses
ambitions. Son nouveau recteur, le Dr Guy Breton, propose des solutions
novatrices qui promettent de changer le paysage universitaire québécois.
Arrivé en poste le 1er juin dernier, le recteur de
l'Université de Montréal, Guy Breton, n'a pas perdu de temps. Il s'est
attaqué au premier dossier de la pile, celui contenant le plus criant de
tous les problèmes vécus par les universités à l'heure actuelle: le
sous-financement. «On est un peu victime de notre succès. On est
l'institution qui a le plus gros volume de recherche, mais qui a le plus
grand déficit en frais indirects générés par ce même investissement en
recherche», a indiqué M. Breton hier en entrevue dans les bureaux du
Devoir.
Aux grands maux les grands moyens, le radiologiste de formation met de
l'avant une méthode de gestion empruntée au milieu médical, duquel il
est issu: évaluation du cas, diagnostic, traitement et suivi. «J'ai des
traitements à proposer, mais j'espère que le patient suivra!» plaisante
l'ancien directeur de la planification du CHUM.
Ainsi, parmi les solutions qu'il préconise, et dont il a fait état tout
récemment devant la Commission parlementaire de la culture et de
l'éducation, il y a la hausse — inévitable, selon lui — des droits de
scolarité. Il affirme ne pas souhaiter le régler en refilant la facture
aux étudiants, ni en plaidant pour une hausse pharaonique des droits
afin de concurrencer les universités canadiennes. «Le problème est plus
complexe que ça. Il faut nuancer», rappelle l'ancien président et
secrétaire de l'Association des radiologistes du Québec.
Sauf que le gel a assez duré, insiste-t-il. «J'ai payé 700 $ ma
formation en médecine et je ne vois pas pourquoi les étudiants
d'aujourd'hui ne paieraient pas quelque chose d'équivalent en dollars
constants [soit quelque 3000 $], note M. Breton. La richesse collective
du Québec est plus grande aujourd'hui qu'elle ne l'était à l'époque,
alors je ne comprends pas pourquoi on resterait avec des frais de
scolarité désarrimés.»
Le recteur souligne qu'aucune autre province, qu'aucun autre État ou
territoire en Amérique du Nord n'a pas de droits de scolarité modulés en
fonction des disciplines. Afin d'éviter de piéger un étudiant en
musique dont la formation coûterait cher, mais ne serait pas génératrice
de gros revenus, il propose que les droits s'ajustent à la hausse si et
seulement si le coût de la formation est élevé et que l'espérance de
revenu est significativement supérieure. Le Dr Breton promet également
de consacrer près du tiers des revenus générés par l'augmentation des
droits en aide financière.
Avantages fiscaux
«Les étudiants doivent accepter que la religion du gel n'ait pas donné
les résultats, mais ce n'est pas vrai que c'est leur entière
responsabilité. C'est toute la société qui va devoir être mise à
contribution», croit fermement le recteur. Il dénonce la dynamique à
petit nombre d'acteurs qui est installée depuis trop longtemps déjà.
«J'ai l'impression qu'au Québec il y a la FEUQ [Fédération étudiante
universitaire du Québec], l'État et les méchantes universités et les
médias qui s'intéressent à la chose. J'aimerais qu'on réinvite le reste
de la société à réaliser que l'avenir d'une société passe par le savoir.
Et je veux qu'on s'investisse tous là-dedans», souhaite le Dr Breton.
Le recteur souhaite ainsi «créer un espace fiscal» où les individus et
les entreprises qui font des dons pourraient recevoir des avantages
fiscaux. «Il y a 25 ans, on a fait des Régimes d'épargne action [REA],
il y a une dizaine d'années on a fait tout un portefeuille de
dégrèvement fiscal pour le domaine culturel, le cinéma. Alors si, comme
société, c'est important l'éducation, j'aimerais ça qu'on avantage
fiscalement ceux qui soutiennent l'enseignement. Ça peut être un
individu qui achète des obligations qui ont des rendements particuliers,
ou des entreprises», explique M. Breton. Par exemple, sur un don de
1000 $, un individu ou une entreprise pourrait recevoir un crédit
d'impôt plus intéressant de 1500 $, suggère le recteur.
Mais attention! Il ne s'agit pas de vendre l'université aux entreprises
privées, précise-t-il. «C'est l'université qui décide où va cet
argent-là, assure-t-il. Je ne veux pas que l'entreprise de
biopharmaceutique m'empêche de développer mon programme d'anthropologie
ou de philo.»
Philippe Ethier