Financement des universités - Les remèdes du Dr Breton

Le nouveau recteur de l'UdeM souhaite la création d'un «espace fiscal» pour soutenir l'enseignement supérieur

Lisa-Marie Gervais   15 septembre 2010  Éducation

Photo : Jacques Nadeau - Le Devoir
Le nouveau recteur de l’Université de Montréal, Guy Breton
Au premier rang des universités québécoises pour son volume de recherche, l'Université de Montréal n'a plus les moyens de ses ambitions. Son nouveau recteur, le Dr Guy Breton, propose des solutions novatrices qui promettent de changer le paysage universitaire québécois.

Arrivé en poste le 1er juin dernier, le recteur de l'Université de Montréal, Guy Breton, n'a pas perdu de temps. Il s'est attaqué au premier dossier de la pile, celui contenant le plus criant de tous les problèmes vécus par les universités à l'heure actuelle: le sous-financement. «On est un peu victime de notre succès. On est l'institution qui a le plus gros volume de recherche, mais qui a le plus grand déficit en frais indirects générés par ce même investissement en recherche», a indiqué M. Breton hier en entrevue dans les bureaux du Devoir.

Aux grands maux les grands moyens, le radiologiste de formation met de l'avant une méthode de gestion empruntée au milieu médical, duquel il est issu: évaluation du cas, diagnostic, traitement et suivi. «J'ai des traitements à proposer, mais j'espère que le patient suivra!» plaisante l'ancien directeur de la planification du CHUM.

Ainsi, parmi les solutions qu'il préconise, et dont il a fait état tout récemment devant la Commission parlementaire de la culture et de l'éducation, il y a la hausse — inévitable, selon lui — des droits de scolarité. Il affirme ne pas souhaiter le régler en refilant la facture aux étudiants, ni en plaidant pour une hausse pharaonique des droits afin de concurrencer les universités canadiennes. «Le problème est plus complexe que ça. Il faut nuancer», rappelle l'ancien président et secrétaire de l'Association des radiologistes du Québec.

Sauf que le gel a assez duré, insiste-t-il. «J'ai payé 700 $ ma formation en médecine et je ne vois pas pourquoi les étudiants d'aujourd'hui ne paieraient pas quelque chose d'équivalent en dollars constants [soit quelque 3000 $], note M. Breton. La richesse collective du Québec est plus grande aujourd'hui qu'elle ne l'était à l'époque, alors je ne comprends pas pourquoi on resterait avec des frais de scolarité désarrimés.»

Le recteur souligne qu'aucune autre province, qu'aucun autre État ou territoire en Amérique du Nord n'a pas de droits de scolarité modulés en fonction des disciplines. Afin d'éviter de piéger un étudiant en musique dont la formation coûterait cher, mais ne serait pas génératrice de gros revenus, il propose que les droits s'ajustent à la hausse si et seulement si le coût de la formation est élevé et que l'espérance de revenu est significativement supérieure. Le Dr Breton promet également de consacrer près du tiers des revenus générés par l'augmentation des droits en aide financière.

Avantages fiscaux


«Les étudiants doivent accepter que la religion du gel n'ait pas donné les résultats, mais ce n'est pas vrai que c'est leur entière responsabilité. C'est toute la société qui va devoir être mise à contribution», croit fermement le recteur. Il dénonce la dynamique à petit nombre d'acteurs qui est installée depuis trop longtemps déjà. «J'ai l'impression qu'au Québec il y a la FEUQ [Fédération étudiante universitaire du Québec], l'État et les méchantes universités et les médias qui s'intéressent à la chose. J'aimerais qu'on réinvite le reste de la société à réaliser que l'avenir d'une société passe par le savoir. Et je veux qu'on s'investisse tous là-dedans», souhaite le Dr Breton.

Le recteur souhaite ainsi «créer un espace fiscal» où les individus et les entreprises qui font des dons pourraient recevoir des avantages fiscaux. «Il y a 25 ans, on a fait des Régimes d'épargne action [REA], il y a une dizaine d'années on a fait tout un portefeuille de dégrèvement fiscal pour le domaine culturel, le cinéma. Alors si, comme société, c'est important l'éducation, j'aimerais ça qu'on avantage fiscalement ceux qui soutiennent l'enseignement. Ça peut être un individu qui achète des obligations qui ont des rendements particuliers, ou des entreprises», explique M. Breton. Par exemple, sur un don de 1000 $, un individu ou une entreprise pourrait recevoir un crédit d'impôt plus intéressant de 1500 $, suggère le recteur.

Mais attention! Il ne s'agit pas de vendre l'université aux entreprises privées, précise-t-il. «C'est l'université qui décide où va cet argent-là, assure-t-il. Je ne veux pas que l'entreprise de biopharmaceutique m'empêche de développer mon programme d'anthropologie ou de philo.»

Philippe Ethier