Militantes et militants de l'ASSÉ,

la présente est pour vous informer de ma démission du comité femmes de l'ASSÉ. 

Bien que j'aie beaucoup apprécié de travailler avec le comité femmes et que j'aie énormément appris des personnes avec lesquelles j'ai eu la chance de travailler, je me rends bien compte que je n'ai pas l'énergie nécessaire pour que le plaisir de militer surpasse les sentiments de frustration, de colère et de tristesse qui ont accompagné mon implication au sein de ce comité. 

Ces sentiments ne sont en aucun cas liés à Gabrielle ni à Vanessa, membres du dit comité, ni au travail réalisé. Au sein du mouvement étudiant, comme ailleurs, il existe des rapports de pouvoir et de domination et depuis mon implication avec le comité, j'ai appris à mieux les reconnaître, non seulement chez moi, mais entre les militants et militantes et aussi dans les différentes instances. J'ai d'ailleurs vécu ces constats de manière très difficile. La quasi-constante remise en question de la légitimité du féminisme et du comité femmes à l'ASSÉ, la non-reconnaissance de la pertinence de nos points de vue, questionnements, critiques, observations et suggestions ainsi que la minimisation de l'importance concrètes des luttes féministes au sein d'un mouvement plus large ont rendu mon implication très pénible. Aussi, nos efforts, au comité, pour tenter de comprendre, d'analyser et de trouver des solutions à la présence de nombreux rapports de pouvoir (cégep \ université, hommes \ femmes, militantes et militants du local \ du national, militantes et militants expérimenté-e-s \ nouveaux et nouvelles militants et militantes, militantes et militants \ ''autres étudiants et étudiantes'', etc.) afin que toutes et tous se sentent impliqué-e-s au sein du mouvement, nous ont valu les reproches classiques voulant que ce genre d'initiatives divisent le mouvement de la lutte à venir. Pour moi, présentement, en terme concrets, l'ASSÉ est en régression sur le plan féministe entre autres à l'égard de ses positions, de ses stratégies et de ses pratiques démocratiques. Et cette régression se reflète dans le travail général de l'organisation.

 

En tant que militante qui croit en l’importance de l’ASSÉ, je ne retrouve plus les motivations de mon implication au sein de cette organisation nationale. Je ne retrouve plus, au cœur de ses pratiques,  les principes qui m’ont tant poussé à vouloir m’impliquer. Bien au contraire, la centralisation des tâches, la marginalisation et l’exclusion des personnes qui amènent des idées nouvelles ou qui sortent du cadre normatif et universel qui semble être mis de l’avant à l’ASSÉ ou qui formulent des critiques, la hiérarchisation entre les militants et les militantes qui s’impliquent dans les structures locales et nationales, la spécialisation qui est mise en place, notamment dans l’approche de l’ASSÉ avec les médias ainsi que les dynamiques présentes dans les différentes instances (méfiance, peur, attaques, sentiment d’intimidation et autres) m’amènent  à cesser de m’impliquer au sein de cette organisation nationale. Je ne me reconnais plus au sein de  cette organisation qui m’apparait maintenant non-sécuritaire à l’implication et à la critique. Mais où sont tous les militants supposément pro-féministes gravitant autour de l'ASSÉ quand les initiatives et propositions du comité femmes qui sortent du cadre de travail prescrit sont réprimandées, dénigrées ou simplement ignorées?

En effet, par sa posture critique présente dès sa création, le comité femmes fait beaucoup plus souvent des critiques sur l'état du travail à l'ASSÉ, dans ses mandats, principes, actions, au sein de ses comités, conseils et instances. La tâche d'amener un point de vue critique en soulignant les rapports de pouvoir et de domination de l'ASSÉ et ses structures semblent être perçue très négativement par les personnes ou instances qu'elle vise. Mais selon moi, il est plus que pertinent de se pencher sur nos propres rapports asymétrique, organisationnels et cette tâche ne doit pas seulement appartenir au comité femmes. La généralisation de cette tâche dans toutes les facettes de l'organisation aiderait peut-être aussi à ne pas ''démoniser'' les membres du comité femmes qui se doivent de travailler dans cette posture critique. 

Enfin, j'ai trouvé très difficile d'être aussi souvent dans cette position critique et de porter le rôle de
bête noire de l'ASSÉ. Cette posture m'a amené à avoir des analyses sur les problématiques à l'ASSÉ qui allaient au delà des rapports de domination, mais qui touchait également aux pratiques parfois antidémocratiques de celle-ci. Dans ce contexte, j'ai difficilement trouvé des moyens de me créer un espace sécuritaire et des limites avec moi-même qui m'auraient permis de mieux accomplir mes tâches et mandats. 

Finalement, je dois dire que c'est avec une très grande tristesse que je quitte le comité femmes. Les processus de co-construction d'ateliers, de prise en compte de toutes les étudiantes et de tous les étudiants, notamment celles et ceux invisibilisé-e-s par la lutte actuelle et de celles et ceux expérimenté-e-s ou non, les dynamiques de travail ouvertes, horizontales et saines me manqueront beaucoup. J'aurais aimé être en mesure de continuer mon implication directe avec ce comité, mais je pense que le mieux pour moi est de m'impliquer à titre d'étudiante féministe, collaboratrice avec le comité. 

 
Bonne chance Gabrielle et Vanessa, je vous soutiens de tout cœur dans votre travail et vision du comité femmes! 

Voilà, je tenais à partager avec vous mes réflexions et les raisons qui me poussent à démissionner du comité femmes.

Merci,

Si vous avez des questions, n'hésitez pas à me contacter par courriel (
fanny_lavigne@hotmail.com

Fanny 
Membre de l'AFESH-UQAM (et de la future et chouette et probable AÉÉF - Association étudiante en études féministes!)

 
P.S. Aux membres du Coco, cette lettre est différente de celle que je vous ai envoyé, je l'ai retravaillé pour tenter de mieux exposer mes réflexions.