source de l'article:
http://www.lacrap.org/la-crap-denonce-l%E2%80%99escouade-gamma
La CRAP dénonce l'escouade GAMMA
Ainsi, le SPVM vient de se doter d'une escouade appelée GAMMA, dont
l'acronyme signifie « Guet des activités et des mouvements marginaux et
anarchistes ».
Aucune erreur n'est possible : la nouvelle escouade a effectivement pour
mission de « /coordonner sa lutte aux groupes marginaux et
anticapitalistes »/, comme l'indique un article publié dans un quotidien
montréalais la semaine dernière. (1)
/« La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse
ne doit pas passer sous silence une telle aberration »/, souligne le
porte-parole de la CRAP, Alexandre Popovic.
Dans sa plainte, le militant de la CRAP demande à la Commission de faire
enquête sur l'escouade GAMMA afin de déterminer si son mandat
contrevient aux dispositions de la /Charte des droits et libertés de la
personne/.
L'article 10 de la /Charte/ prévoit en effet que toute personne a droit
à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et
libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence
fondée sur les convictions politiques.
Il y a discrimination lorsqu'une telle distinction, exclusion ou
préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit, précise
également la /Charte/.
Ainsi, la criminalisation des convictions politiques est non seulement
un affront à la liberté d'opinion et d'expression, mais elle est aussi
illégale en vertu de la /Charte des droits et libertés de la personne/.
La plainte demande également à la Commission de recommander au SPVM de
démanteler sans délai l'escouade GAMMA.
La Commission et le profilage politique
Notons que la Commission des droits de la personne a déjà été
sensibilisée à la problématique du profilage politique par le passé.
En 2008, la Cour supérieure du Québec a en effet décidé d'accorder le
statut d'intervenante à la Commission dans la cause d'/Engler-Stringer
contre la Ville Montréal/. (2)
Il s'agit d'un recours collectif intenté contre la ville de Montréal et
son service de police relativement à l'arrestation de masse de quelques
240 manifestants en marge du mini-sommet de l'Organisation mondiale du
Commerce qui s'est tenu à Montréal, en juillet 2003.
Les procès des manifestants s'étaient terminés en queue de poisson à la
Cour municipale de Montréal après que la poursuite décida d'elle-même de
retirer ses propres accusations. (3)
Le recours collectif allègue donc, entre autres choses, que les
manifestants ont fait l'objet de discrimination de la part du SPVM
fondée notamment sur leurs convictions politiques et/ou leur implication
dans des activités politiques.
La Commission a ainsi sollicité, et obtenu, le statut d'intervenante
dans cette cause afin de soutenir les prétentions des membres du recours
collectif.
Des agents de conservation de l'ordre établi
Par la création de l'escouade GAMMA, le SPVM montre son vrai visage :
celui d'une police politique qui méprise la liberté d'opinion et le
droit à la dissidence en se livrant ouvertement au profilage
politico-idéologique.
Le parti-pris des forces de l'ordre à l'encontre des anarchistes et
autres contestataires n'est toutefois pas une grande nouveauté. En tant
qu'agents de conservation de l'ordre établi, les corps policiers ont
toujours eu tendance à prendre pour cible ceux qui remettent en question
le statu quo sociopolitique.
Les exemples en la matière sont d'ailleurs légions.
Comme le révélait l'émission /Enquête/ de Radio-Canada en octobre
dernier, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a géré pendant plus de
trois décennies un programme nommé PROFUNC destiné à organiser
l'internement de milliers de militants communistes et leurs progénitures
dans des camps secrets en cas de guerre avec l'Union soviétique. (4)
Plus récemment, le sergent-détective Gilles Gerderblom du SPVM a fait
étalage des préjugés anti-anarchistes qui animent de nombreux membres
des forces de l'ordre lorsqu'il a rédigé un rapport relativement à la
manifestation anticapitaliste qui s'est tenue à l'occasion de la Journée
internationale des travailleurs et des travailleuses du 1^er mai 2008, à
Montréal :
/Le 1^er mai 2008 vers les 17h30, plusieurs policiers ont participé pour
encadrer une manifestation pour la marche des travailleurs. La marche se
fait habituellement le 3 mai par contre ce groupe relié aux anarchistes
et ayant mauvaise réputation ont /[sic] /décidé de faire leur propre
marche car la marche des travailleurs était bien encadrée et possédait
de la sécurité interne. Nos anarchistes aimant le trouble était /[sic]
/relégués à la fin de la marche ce qui leur laissaient peu de marge de
manoeuvre. Donc, ceux-ci ont créé leur propre marche./
L'an dernier, le profilage politique a encore une fois été à l'oeuvre
lorsque la répression politique a atteint un niveau sans précédent au
Canada avec l'arrestation de 1090 personnes à l'occasion des
manifestations contre les sommets du G8 et du G20 qui se sont tenus dans
la grande région de Toronto.
Avez-vous dit lutte au crime organisé ?
Par ailleurs, que doit-on penser du fait que l'escouade GAMMA relève de
la Division du crime organisé du SPVM ?
Ainsi, au lieu d'enquêter sur le racket d'extorsion dans l'industrie de
la construction, les élus et hauts-fonctionnaires gourmands qui se font
graisser la patte par de gros bonnets de la pègre et les respectables
hommes d'affaires et leurs petits amis banquiers qui blanchissent des
fortunes en argent sale, cette valeureuse escouade va plutôt avoir à
l'oeil les « activités des mouvements marginaux et anarchistes » !
Voilà qui en dit long sur le pitoyable sens des priorités du Service de
la police de la ville de Montréal !
Comment s'étonner après ça que le crime organisé se porte aussi bien
dans notre grande métropole ?
Comment se surprendre d'une pareille usurpation de fonctions quand on
sait que le commandant de cette même Division du crime organisé --
monsieur François Bouffard -- fait présentement lui-même l'objet d'une
enquête de la part de l'escouade Marteau relativement à des allégations
de versements de pots-de-vin à la municipalité de Mascouche pour dézoner
des terrains qui ont ensuite été vendus à une douzaine de policiers
ayant par ailleurs obtenus des prêts hypothécaires de la Caisse de
retraite des policiers de Montréal ou de la Caisse Desjardins des
policiers ? (5)
Quand les aberrations deviennent la norme, l'indignation finit souvent
par céder le pas au cynisme de convenance.
Aujourd'hui le PCR, demain à qui le tour ?
Le 29 juin dernier, l'escouade GAMMA a menée sa première opération en
procédant à l'arrestation de quatre militants et militantes, dont un
supporter bien connu du Parti communiste révolutionnaire (PCR).
Les quatre militants et militantes ont été accusés d'une série
d'infractions criminelles en rapport avec un accrochage survenu avec des
policiers à l'occasion de la manifestation du 1^er mai 2011 organisée
par la Convergence des luttes anticapitalistes, à Montréal.
/« Le contenu des interrogatoires et la présence d'un enquêteur de
l'équipe intégrée sur la sécurité nationale laissent croire que d'autres
motifs se cachent derrière cette opération »/, écrit cependant le PCR
dans un communiqué diffusé le 5 juillet suivant. (6)
Composée d'enquêteurs de la GRC, de la Sûreté du Québec et du SPVM,
l'Équipe intégrée sur la sécurité nationale (EISN) est une escouade mise
sur pied pour faire la lutte au terrorisme.
Le PCR a de bonnes raisons de croire que l'EISN a voulu exploiter les
arrestations effectuées par l'escouade GAMMA afin de faire avancer une
enquête sur l'explosion du Centre de recrutement des Forces armées
canadiennes, à Trois-Rivières, le 1^er juillet 2010.
En effet, les photos des quatre militants et militantes arrêtés par
l'escouade GAMMA ont été exhibées à des témoins potentiels de
Trois-Rivières dans ce qui s'apparente à une tentative ultime, voire
désespérée, de dénicher des suspects relativement à cet attentat, ainsi
que deux autres incidents antérieurs où des engins explosifs avaient
également été utilisés.
Ces attentats, que l'escouade antiterroriste n'a jamais réussi à
élucidé, avaient tous été revendiqués par voie de communiqués signés
« Initiative de résistance internationaliste » ou « Résistance
internationaliste ».
Les dangers de l'antiterrorisme
Fait particulier, le lendemain de la rafle de l'escouade GAMMA, la Cour
suprême du Canada a accordée la permission d'en appeler d'une décision
rendue par la Cour d'appel de l'Ontario portant sur la
constitutionnalité de la définition « d'activité terroriste » que l'on
retrouve dans le /Code criminel/. (7)
Notons que le /Code criminel/ stipule qu'une « activité terroriste » est
un acte commis au Canada ou à l'étranger, au nom d'un but, d'un objectif
ou d'une cause de nature politique, religieuse ou idéologique, en vue
d'intimider une partie ou la totalité de la population quant à sa
sécurité, entre autres sur le plan économique, ou de contraindre une
personne, un gouvernement ou une organisation nationale ou
internationale à accomplir un acte ou à s'en abstenir.
Les motivations politiques, religieuses ou idéologiques constituent donc
un élément essentiel de l'infraction « d'activité terroriste ». Ce qui
signifie que la poursuite a le fardeau d'établir que l'accusé était
animé par des motivations politiques, religieuses ou idéologiques au
moment où il a prit part à une « activité terroriste ».
Autrement dit, des convictions politiques, religieuses et idéologiques
normalement protégées par la /Charte canadienne des droits et
libertés/se retournent contre l'accusé puisque la poursuite n'a d'autre
choix que de s'en servir si elle souhaite établir sa culpabilité
relativement à une accusation de participation à une « activité
terroriste ».
La constitutionnalité de cette définition « d'activité terroriste »
avait d'ailleurs été contestée durant le procès de Mohamed Momin
Khawaja, le premier citoyen canadien à avoir été accusé en vertu de la
loi antiterroriste canadienne.
Dans un jugement prononcé le 24 octobre 2006, le juge Douglas Rutherford
de la Cour supérieure de l'Ontario avait donné raison à l'accusé Khawaja
en déclarant que cette définition violait les dispositions de la /Charte
canadienne des droits et libertés/. (8)
Dans sa décision, le juge Rutherford avait notamment cité les propos
tenus par le professeur de droit et futur ministre libéral de la
Justice, Irwin Cotler, qui s'inquiétait du fait que la
/« criminalisation du motif risque de politiser les enquêtes et les
procédures judiciaires »/.
/« Les Canadiens qui pourraient partagés les tendances politiques,
religieuses ou idéologiques des groupes étrangers sous enquête ne
peuvent faire autrement que de se retrouver sous un nuage de suspicion
»/, avait écrit le tribunal.
Or, le jugement du juge Rutherford a été renversé par la Cour d'appel de
l'Ontario, en décembre 2010. (9)
La GRC n'a cependant pas attendu cette décision avant de lancer un
programme de coordination d'information sur les « menaces terroristes »,
en partenariat avec la Sûreté du Québec et le SPVM, en juin 2010. Le
programme consiste notamment à former des ambulanciers, des pompiers,
des gardiens de prison et autres, afin de faire d'eux les yeux et les
oreilles de la police.
Comme l'indiquait le reportage de Radio-Canada, /« le but est que chaque
intervenant détecte et rapporte le moindre signe d'activité terroriste,
que ce soit des photos ou des drapeaux sur les murs d'une résidence, un
ordinateur ouvert sur une page d'organisation terroriste, des propos
suspects, etc. »/ (10)
Si le plus haut tribunal du pays décide de valider la définition
« d'activité terroriste », qu'est-ce qui empêchera les corps policiers
d'un océan à l'autre de se lancer dans le profilage politique tout
azimut sous le couvert de l'antiterrorisme ?
Sources :
(1)
http://lejournaldemontreal.canoe.ca/journaldemontreal/actualites/faitsdiver…
(2)
http://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2008/2008qccs874/2008qccs874.html
(3)
http://www.ainfos.ca/05/mar/ainfos00192.html
(4)
http://www.radio-canada.ca/emissions/enquete/2010-2011/Reportage.asp?idDoc=…
<http://www.radio-canada.ca/emissions/enquete/2010-2011/Reportage.asp?idDoc=121774&autoPlay=http://www.radio-canada.ca/Medianet/2010/CBFT/Enquete201010142000.asx>
(5)
http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/national/201106/29/01-44…
<http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/national/201106/29/01-4413802-mascouche-deux-policiers-soupconnes-davoir-verse-un-pot-de-vin.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B4_manchettes_231_accueil_POS1>
(6)
http://www.cmaq.net/fr/node/44219
(7)
http://www.journalmetro.com/linfo/article/904869--la-cour-supreme-va-entend…
(8)
http://www.canlii.org/en/on/onsc/doc/2006/2006canlii63685/2006canlii63685.h…
(9)
http://www.canlii.org/en/on/onca/doc/2010/2010onca862/2010onca862.html
(10)
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/acces/suite.asp?lien=http://www.radio-…