La FECQ, cette incapable

Par Alex Desrochers

Bon, avant d’aller plus loin, j’entends déjà les commentaires me reprochant de manquer de respect envers les militants et militantes de la FECQ. Ces personnes font beaucoup de travail, surtout dans les dernières semaines, pour faire passer les votes de grève. J’en conviens et l’objectif n’est pas de minimiser le travail de ces individus. J’entends d’autres personnes dire que ce texte n’a comme objectif que de diviser le mouvement étudiant, qu’il faut actuellement s’unir si on veut bloquer la hausse des frais de scolarité. Que les différences entre les différentes organisations ne sont que des débats purement corporatistes entre les militantes et militants des diverses organisations. Par contre, aujourd’hui on peut constater une différence majeure entre les deux organisations. Il y en a une qui est en grève et l’autre non. Sans remettre en cause les efforts des militantes et militants, je considère qu’il est plus nécessaire que jamais de remettre en question leur pratique. Par exemple, leur frilosité à encourager le mouvement de grève dès le départ. Leur empressement à traiter les 100 000 personnes en grève d’irresponsables et à condamner leurs actions. On peut remettre en question leur piètre matériel d’information, leur manque de critique intelligente et en profondeur du système d’éducation et de la société en générale. On peut aussi critiquer le carriérisme ambiant et le manque d’implication de la base étudiante dans les processus décisionnels et dans le travail au jour le jour. Alors que l'ASSÉ prépare cette campagne de grève depuis plus d'un an, la FECQ vient tout juste d'appeler à la grève. Il est difficile de reprendre le travail de plusieurs années en deux semaines de mobilisation. Instaurer une culture d’assemblée générale, des habitudes de terrain et préparer du matériel d'information de qualité est un travail de longue haleine.

Par l'intermédiaire d'une conférence de presse, vendredi le 2 mars dernier, Léo Bureau-Blouin, président de la FECQ, appelait les 80 000 membres de la FECQ à joindre le mouvement de grève déjà bien généralisé à l’échelle du Québec. On pourrait se réjouir d’avoir du renfort de la fédération mais dans les faits il s’agissait que d’une opération d’image. Loin de moi l’idée de faire une Arielle Grenier de moi même et de jouer avec les chiffres du membership d’une organisation, mais 80 000 moins les étudiants et étudiantes du cégep à distance (20 000) qui ne peuvent faire la grève, moins André Laurendeau (3500) qui n’est plus membre de l’organisation, moins les associations qui ont déjà voté en faveur de la grève : Édouard Montpetit (6000), Ahuntsic (10 000), Rosemont (2500), St-Félicien (900), Rimouski (2600), Gaspé (500) en plus de tous les campus qui ont déjà dit non à la grève : Chicoutimi (2400), Alma (1200), Jonquière (3200), Victoriaville (1500), Granby (1500), Sorel-Tracy (1000)et Baie-Comeau (700). L’appel de M. Bureau-Blouin du 2 mars saura-t-il rallier les 22 000 membres restants? Sans compter dans ces 22 000 les associations qui ont déjà des votes de prévus. Cet appel à la grève était purement fait pour entretenir l’image de la fédération. La FECQ est un moulin à produire de l’image où Léo y joue le rôle d’un vieux silo inutile, mais toujours debout. À l’exception du moulin à image célèbre, la FECQ offre un spectacle de désolation, une cicatrice d’une époque résolue.

Évidemment, ce qui me dépasse dans la situation actuelle c’est l’incapacité de la FECQ à mobiliser ses membres et à réellement emboiter le pas du mouvement de grève qui est pourtant bien entamé. Appeler à joindre la grève est une chose, mais concrétiser cet appel par débrayage massif en est une autre. J’avoue avoir de la difficulté à mettre le doigt sur le problème précis. La FEUQ de son côté s’en sort avec un portrait beaucoup plus reluisant à mon avis avec beaucoup de vote positif à l’Université de Montréal et l’UQAR notamment. Je ne mettrai pas tous les déboires de la FECQ sur le dos de l’exécutif national. Il est normal de rater certains votes, que certains votes soient positifs par quelques voies seulement, mais actuellement le portrait est sombre. Chicoutimi, Alma, Jonquière, Baie-Comeau, Victoriaville, l’ENA, Sorel-Tracy, Granby ont dit non à la grève. La liste des échecs s’allonge et les votes victorieux soit loin d’être tous dus au travail acharné de la fédération. Pourtant la CLASSE s’en sort plutôt bien et l’ASSÉ encore davantage car toutes ses associations sont en grève. Alors que se passe-t-il à la FECQ ?

Il est certain que dans une organisation nationale qui ne stimule le débat qu'en temps de lutte ou pour faire passer une grève ici et là, la base étudiante soit blasée. On ne peut pas en vouloir aux gens de se sentir dépassés, ou de se sentir bousculés lorsque les propositions de grève semblent sortir de nulle part. J’avoue que l’incapacité de la FECQ à mener des campagnes de grève sur les campus locaux me pousse à me questionner énormément. J’avoue aussi ne pas trop savoir comment remédier à la situation. Même si cette dernière a réalisé un travail important pour la journée de grève du 10 novembre, elle est incapable de mener à bien une campagne d’une plus grande ampleur. J’ai parfois l’impression qu’elle met plus d’énergie à trouver une façon de crypter ses documents internes pour éviter les fuites, qu'à faire un réel travail de terrain et de formation des militantes et militants locaux. J’ai aussi l’impression qu’elle met davantage de temps à sauver l’image de son organisation et empêcher les transfuges vers la CLASSE qu'à mener la campagne de grève.

J’en viens à me poser de grandes questions sur le concept de souveraineté locale. Devons-nous cesser de faire du travail de mobilisation sur les campus affiliés à la FECQ au nom de cette souveraineté locale? Ne peut-on pas conclure qu’il y a des intérêts supérieurs et que la grève pour bloquer la hausse prime sur les appels au respect de la souveraineté locale visant à restreindre la mobilisation sur certains campus? J’invite les gens à faire cette réflexion et à agir en conséquence. S'ils pensent comme moi, il est temps d’aller mobiliser partout au Québec, même si certaines personnes s'y opposent en invoquant la souveraineté locale. J’invite aussi les membres de la fédération à se questionner sur la pertinence de leur organisation à long, mais aussi à court terme. Il est quand même ironique de se rappeler que la FECQ est née il y a de cela 22 ans sous le slogan « la grève plus jamais », et que c’est une campagne de grève générale illimité qui pourrait signer sa mort.

Contre l’incapacité, il faut lutter !


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Alex Desrochers