Bonjour,

Voici une invitation à signer une lettre pour dénoncer un bar qui dénigre les femmes à Qc, en particulier les mères. Invitation pour femmes et hommes à signer cette lettre. Envie de signer comme personne ou comme groupe/association/collectif? Indiquer votre nom en commentaire ou en répondant à ce message. La lettre paraîtra sur le site de "je suis féministe" et sur le blogue "MamZell Tourmente".

Merci!

Texte :

"Québec, le 24 février 2014

La P'tite Grenouille de Charlesbourg
5350 Boulevard Henri-Bourassa
Charlesbourg, QC
G1H 6Y8

Objet : Dénonciation du sexisme ironique de La P'tite Grenouille avec son MILF-O-THON

À qui de droit,

Bonjour,

Nous sommes des femmes, des hommes, des mères, des pères, des travailleuses et travailleurs et des étudiantes et étudiants. Nous sommes indigné-e-s d'apprendre que votre établissement organise des soirées MILF-O-THON.

Vous prétendez rendre hommage aux mères en affirmant, dans le petit bordereau rose tout gentil sous l'affiche : « Parce que c'est pas parqu'on est maman, qu'on n'a pas le droit d'être sexy, d'avoir du plaisir entre amies et d'assister à un bon spectacle ». Pourtant, vous avez choisi de dénommer l'événement MILF-O-THON en référence à deux expressions douteuses : « MILF » et « O-THON ».

L'expression « MILF » originaire de la pornographie et publicisée par le film American Pie, signifie « Mother I'd Like to Fuck » (mère que je voudrais baiser, traduction libre). Le « I » (« je ») est celui d'une autre personne que la mère en question, une personne qui regarde et qui juge si la mère est encore désirable en fonction de critères établis par des hommes, critères collés sur des modèles de femmes très jeunes (voire de jeunes filles), modèles physionomiquement impossibles à atteindre pour la plupart des femmes (parce que nos corps sont plus diversifiés!) et qui ne prennent définitivement pas en compte les marques de la maternité. C'est en fait une expression dégradante pour les femmes, car celles-ci sont réduites à l'état d'objet : objet du désir masculin et objet de séduction. Un objet sexuel, sexualisé contre le gré des femmes, puisque l'expression ne prend pas en compte la sexualité de la personne dont il parle, mais de celle de l'observateur. Ce n'est pas une façon de dire qu'une femme est objectivement sexy. C'est une façon de dire que les femmes doivent se conformer aux attentes du regard masculin et que le regard masculin est d'emblée sexualisant et objectifiant. En tant que féministes, nous critiquons l'objectification des femmes comme négation de leur personne et de leur sexualité ET le postulat que tous les hommes sont d'abord des sexes ambulants.

L'expression « O-THON » fait référence à une quantité, un nombre interchangeable de femmes comme de kilomètres dans une course, de longueurs de piscines dans un nage-o-thon ou d'argent dans une levée de fonds.

Du côté de la représentation, votre affiche montre un père incompétent qui tient à bout de bras son propre enfant comme s'il ne s'en était jamais occupé par lui-même. Ce vieux cliché sexiste est désuet.

Ainsi, vous tenez un double discours. D'un côté, vous dites que vous rendez hommage aux mères; de l'autre, vous pornographisez les femmes en les réduisant à des objets sexuels destinés au divertissement masculin. Ce sexisme ambigu ou ironique, qui joue sur une affirmation clairement gentille et sur une expression dégradante, rend difficile (et long) la critique.

Vous pouvez toujours vous défendre de vos bonnes intentions, mais notre intérêt se situe au niveau des effets de votre campagne de promotion. De fait, en présentant une objecfication des femmes, une négation de leur sexualité (le droit d'être et de désirer! pas le devoir d'être désirable aux yeux de certains) et une négation des marques et effets de la maternité sur le corps des femmes (marques tout à fait jolies, comme en témoigne ces photographies merveilleuses); en présentant les hommes comme les juges suprêmes de notre beauté et même de notre sentiment d'être désirables, hommes-prédateurs, hommes-sexes, hommes dominants et dominateurs, La P'tite Grenouille choisit de dénigrer les femmes, en particulier les mères et de porter atteintes à notre marche vers l'égalité avec les hommes en reproduisant des clichés sexistes (qui définissent le sexe masculin comme supérieur) et hétérosexistes (qui définissent les relations hétérosexuelles comme normales).

De ceci, nous sommes certaines que votre message a été entendu par les internautes qui ont commenté votre événement sur facebook et qui ont poursuivi votre travail patriarcal en opérant la même réduction des femmes à quelque chose comme de la viande disponible au comptoir des viandes (dans votre bar à une date précise).

Enfin, dans la description de votre événement, vous vous parez d'emblée contre toute critique en réduisant notre indignation possible à une question de moralité ou de pudeur par l'évocation du col roulé et du thé. C'est tout à fait injuste, mais nous comprenons que c'est stratégique : vous tentez de discréditez toute dissidence. Encore une fois, plusieurs internautes ont compris le discours sous-jacents à votre propos et y sont allés de leurs ajouts d'insultes à caractères sexistes (que toutes colères chez les femmes est un syndrome de débalancement corporel ou hormonal et non une réflexion rationnelle) ou hétérosexistes (que les femmes ont besoin d'être baisées par un homme pour ne pas devenir hystériques).

Nous espérons que les lignes précédentes vous ont aidé à comprendre que notre discours se situe justement dans le fait d'affirmer haut et fort que les femmes, à tous les âges, sont des personnes diversifiées, c'est-à-dire des êtres complets et uniques (non interchangeables) qui ont une sexualité bien à elles, une sexualité qui ne dépend pas des hommes et qui n'a pas besoin de leur approbation. Nous travaillons donc à l'inverse de vous : pendant que vous réduisez les femmes à des objets, nous cherchons à nous libérer des carcans et à nous émanciper des modèles prédéfinis qui nous enferment et qui nous font violence.

Qu'est-ce qui aurait pu représenter un VRAI HOMMAGE AUX MÈRES qui galèrent tous les jours entre les impératifs de la vie de famille (voir à ce sujet le documentaire The Mother Load qui explique comment la maternité est un facteur qui désavantage les femmes plus encore que le sexe), le sexisme partout présent, bien souvent un travail ou une autre occupation et les défis d'avoir une vie sociale dans une société qui compartimente les êtres humains selon leur âge et qui rejette les enfants (et donc les mères) des espaces publics?

C'est un défi que nous lançons aux bars du Québec. Plutôt que d'attaquer les femmes sous différentes facettes (le sexisme ironique, ici, mais aussi la culture du viol par l'exemple du Corsaire et du Nacho Libre), pourquoi ne pas adopter une perspective proféministe? Pourquoi ne pas simplement considérer les femmes comme des personnes à part entière, au même titre que les hommes? Cette perspective n'est pas une option, mais bien un droit et un impératif.

Ont signé cette lettre :
[Ajouté votre nom en commentaire]"