Lettre aux camarades


Ce qui s’est passé

Le 27 novembre dernier a eu lieu la journée nationale d’actions locales appelée par les comités printemps 2015. Cette journée a été un succès tant au niveau de ce qui s’est déroulé que dans la variété d’endroits touchés. L’ASSÉ n’a pas dit mot au sujet de cette journée qui figure pourtant dans son plan d’action annuel. Le silence de l’ASSÉ en a surpris et contrarié plus d’un-e. S’en est suivi la manifestation syndicale du 29 novembre où le silence de l’ASSÉ sur le contingent printemps 2015 et la participation de sa porte-parole aux points de presse et discours a ravivé cette frustration.


Suite aux dérapages déplorables qui ont eu lieu sur les réseaux sociaux, nous sommes plusieurs à nous inquiéter d’une tension croissante entre une partie de l’équipe de l’ASSÉ et des sympathisant-e-s des comités printemps 2015. Ce texte vise à aider au dénouement des tensions et incompréhensions qui empêchent d’entrevoir la collaboration entre camarades investis dans l’ASSÉ et les comités printemps 2015.


Stay calm and organize

Tout d’abord, nous déplorons la démesure et l’agressivité sous-jacente des ‘’débats’’ ayant pris place dans les derniers jours sur les réseaux sociaux. On tend à oublier que derrière les postes (mais aussi les posts Facebook) il y a des individus. Il est aussi primordial de conserver le débat sur le terrain de la politique et d'éviter d’exclure à tout vent des camarades lorsque des actions communes sont possibles. Il existe suffisamment de conflits politiques pour ne pas créer des conflits personnels… Ce qui ne signifie pas pour autant qu’il faille oblitérer la critique, d’une part comme de l’autre, sous couvert de considérations pour l’autre. Le politique est aussi affaire de confrontation et oublier nos divergences ne ferait que nous affaiblir collectivement.


Nous croyons vraiment qu’il est possible d’établir une collaboration sérieuse entre printemps 2015 et l’ASSÉ. Les membres de l’ASSÉ ont mandaté les élu-e-s pour ce faire, mais cette volonté est aussi prégnante dans les comités printemps 2015. En effet, le comité externe a convenu de lancer un appel et de diriger les personnes intéressées à faire de la mobilisation vers le comité de mobilisation de l’ASSÉ.


Nous avons le besoin le plus absolu de mettre nos forces en commun. Les comités printemps 2015 ne peuvent pas espérer mener une lutte sérieuse contre les intérêts appuyant les politiques d’austérité et l’exploitation des hydrocarbures sans travailler étroitement avec des  institutions démocratiques et combatives telles que l’ASSÉ, malheureusement trop rares. Dans un même temps, il serait tout aussi problématique pour l’ASSÉ de ne pas travailler avec le mouvement contre l’austérité et les hydrocarbures qui s’organise actuellement au Québec sous la bannière du loup. Non seulement nous nous battons contre les mêmes projets mais nous sommes lié-e-s organiquement.  


D’où viennent et que font les comités printemps 2015

En effet, les comités printemps 2015 sont issus des assemblées générales de membres de l’ASSÉ. Issus à l’origine de l’assemblée générale de l’AFESH, la campagne des comités a depuis été adoptée dans les assemblées générale d’une majorité des membres de l’ASSÉ. Pour ce qui est, au mininimum, de l’AFESH, l’AFEA, l’AFESPED et littérature et langue moderne à l’UdeM les résolutions adoptées incluent même le mandat de mettre en place une mobilisation en vue de votes de grève reconductibles à l’hiver. En grand nombre, les gens qui participent aux comités printemps 2015 sont membres d’associations étudiantes membres de l’ASSÉ. Elles et ils ne constituent pas un corps étranger. Cet aspect organique des deux structures doit être pris en compte par l’ASSÉ, tout comme par les participant-e-s des comités.


D’une part le but des comités printemps 2015 n’est pas uniquement de partir en grève à l’hiver prochain mais bien aussi, et surtout, de politiser le débat actuel sur l’austérité et les hydrocarbures et de tisser des liens entre les différents groupes en lutte sur ces questions. D’ailleurs, une grande partie du travail des comités printemps 2015 jusqu’à présent (outre les journées de grève du 31 octobre, des 12 et 27 novembre et le contingent du 29 novembre) a consisté à la production thématique de matériel contre l’austérité et les projets pétroliers et à sa diffusion lors des diverses manifestations et événements. D’ailleurs, la grève sera votée dans les instances démocratiques des associations étudiantes et des syndicats et non pas dans les comités printemps 2015.


Même si les comités printemps 2015 et l’ASSÉ ne partagent pas exactement les mêmes principes et le même plan d’action, nous croyons qu’il est tout de même possible et souhaitable qu’ils travaillent ensemble. Cette idée de travail commun est d’ailleurs constitutive du projet des comités printemps 2015 visant à unir et à politiser l’ensemble des luttes contre les hydrocarbures et l’austérité. De la même manière que l’ASSÉ peut participer et publiciser des événements avec les centrales syndicales et les fédérations étudiantes elle peut très certainement participer et publiciser les événements des comités printemps 2015 avec qui elle partage sans doute plus d’affinité idéologique et dans lesquels ses membres sont partie prenante.


De la redevabilité

Les initiatives printemps 2015 sont difficiles à cerner notamment par leur nouveauté mais aussi par le fait que les comités locaux, régionaux, nationaux et sectoriels agissent de façon autonome et sont portés par les militant-e-s qui s’y investissent. Les comités printemps 2015 et leurs structures ne cherchent pas à former un groupe affinitaire : ses membres et sympathisant-e-s ne partagent pas tous et toutes les mêmes considérations politiques et ne se connaissent parfois pas. S’il existe des groupes affinitaires au sein des comités, printemps 2015 désire se poser comme une structure d’organisation et de coordination ouverte.


Les voix de printemps 2015 sont multiples et correspondent aux différentes réalités de ses membres. Appeler à la création des comités printemps 2015, c’est appeler à ce que tous et toutes construisent et investissent ces comités, organisent des activités de mobilisation et de lutte, produisent du matériel qui multiplient les perspectives conceptuelles du mouvement, etc. La lecture du matériel d’information et de mobilisation jusqu’à maintenant produit par les comités printemps 2015 permet de constater le caractère multiforme des discours, des argumentaires et des propositions qui circulent. Le discours des comités printemps 2015 est donc formé des initiatives prises par leurs membres et ne représente que leurs camarades au sein de leurs instances délibératives.


Le financement des comités ne provient pas des cotisations de ses membres, mais de budgets votés à partir de mandats d’assemblées générales. À l’UQAM, une plate-forme a été mise en place afin d’assurer le suivi des dépenses sur présentation de factures et de procès-verbaux des comités. Ce fonctionnement, couplé à la présence continue des membres des comités dans leurs instances syndicales/associatives, sert de point de relais avec les structures traditionnelles et formelles. Il donne la capacité aux comités Printemps 2015 de sortir des organisations étudiantes pour s’ouvrir à d’autres secteurs de la société.


Nous pouvons reconnaître que les positions et le fonctionnement des comités ont été floues et c’est pourquoi la question d’une déclaration de principe et d’action sera abordée à la prochaine rencontre large du mouvement. S’il existe à l’heure actuelle une ligne directrice à l’ensemble des comités printemps 2015, c’est la nécessité de lier les étudiant-es, travailleurs-euses et sans-emplois dans une lutte effective contre l’austérité et l’exploitation des hydrocarbures qui doit être faite dès maintenant.


Vers le printemps et la lutte, ensemble

Les comités printemps 2015 sont un terrain propice pour l’action et la réflexion en dehors des structures associatives et syndicales. Ils permettent de faire jaillir les discussions et les réflexions hors des assemblées générales, Congrès, Conseil Centraux. Les comités printemps 2015 ont poussé des individus à se mettre en jeu et à joindre la lutte contre l’extractivisme et l’austérité et ainsi à propager cette lutte dans les divers groupes dont les structures ne sont pas toujours aussi démocratiques que celles de l’ASSÉ.


L’état actuel de la mobilisation dans le milieu communautaire et les différents syndicats locaux des secteurs de la santé ou de l’éducation témoigne d’une volonté d’agir qui dépasse celle des grandes centrales. Les étudiant-e-s, de par leur statut plus libre, peuvent occuper l’espace public, tenir un discours visant à pousser les questions des hydrocarbures et de l’austérité plus loin et s’inscrire en solidarité active avec les autres groupes sociaux en lutte. Nous croyons qu’il est possible et nécessaire de peser de tout notre poids sur le mouvement en 2015 et ainsi l’influencer et le politiser par notre action.


Il ne faut pas attendre de nouveaux projets d’extraction, ou la mise en branle de ceux annoncés, ni laisser le gouvernement nous imposer de nouvelles mesures d’austérité. La riposte doit être immédiate et à la hauteur des attaques. Si 2012 nous a bien enseigné quelque chose, c’est que la lutte en elle-même est source d’apprentissage et de réflexion. Tout en reconnaissant la nécessité de l’organisation, il nous semble important de mettre de l’emphase sur le fait qu’organiser et tenter de prévoir ne devrait pas non plus être des inhibiteurs à l’action en cours. L’action et la réflexion ne s’opposent pas, elles font partie intégrante de l’organisation des combats à mener. Nous sentons le besoin qu’une lutte soit menée - nous refusons d’organiser, planifier ou préparer une lutte en attente, qui serait encore à venir, au printemps, à l’automne ou plus tard. Nos discussions relatives à nos capacités organisationnelles ou à l’état de la mobilisation ne devraient pas être menées comme s’il s’agissait de négocier les conditions gagnantes ou le calendrier d’un prochain référendum. Nous désirons offrir la possibilité de l’indignation et de la lutte contre ce qui semble être une fatalité. Nous croyons avec insistance que les conditions pour la lutte sont déjà réunies en grande partie et que nous avons les moyens de mener une lutte plus que sérieuse dès la session d’Hiver comme dans tout le reste de l’année 2015. Force est de constater que l’appel à la grève au printemps prochain rencontre un fort engouement sur les campus. Il serait erroné à notre sens de l’ignorer sous prétexte qu’elle ne s’insère pas dans le ‘’plan’’.  


Le travail de coordination et de mobilisation que l’ASSÉ effectue en région est remarquable et correspond à une préoccupation partagée au sein des comités printemps 2015 de lier les luttes des villes et des régions. Ces énergies doivent être mises en commun afin de généraliser la lutte actuelle non seulement à tous les secteurs de la société, mais à tout le territoire. Nous désirons que l’ASSÉ continue son travail de mobilisation et nous souhaitons y contribuer. Nous visons à travailler avec l’ASSÉ dans le cadre de la lutte contre l’austérité et les hydrocarbures et nous espérons qu’à l’avenir l’ASSÉ s’inscrira en solidarité avec printemps 2015. L’incompatibilité apparente des structures ne doit pas être à l’origine d’une désolidarisation. C’est pourquoi nous souhaitons appeler au soutien mutuel dans les luttes que l’on mène.




- des camarades