Pour aller dans le même sens que Keena, j'aimerais d'abord commencer par un mea culpa bien personnel, car une responsabilité collective en Congrès pèse aussi sur les délégué-e-s, dont j'ai récemment fait partie. Je me suis senti "fautif" en un sens après le Congrès, et si via l'AFESH nous avons émis des blâmes, je serais également prêt à en recevoir et à faire amende honorable, même si parfois ce qu'on fait dans l'immédiat nous dépasse.

Si le Congrès est devenu de moins en moins un reflet de la grève au jour le jour, ni même l'espace de réflexion collective que permettrait la synthèse des points de vue d'un peut partout au Québec, c'est peut-être dû à une conjonction de facteurs, dont on peut plus ou moins se dire responsables :

La vérité, c'est qu'en ce moment je n'ai aucune "carte mentale" claire m'indiquant ce qui s'en vient, et je suis sûr et certain que d'autres ressentent la même chose. Certains soucis s'imposent tout de même :
Sur le troisième point, un rayon d'espoir venant tout droit de 1973 m'a frappé hier grâce aux camarades de Saint-Laurent :

La seule annulation de session de l'histoire du Québec s'est produite lors d'une sorte de grève des profs en 1973 qui n'était pas vraiment une grève où on l'entend d'habitude. Il s'agissait d'un mouvement national de "gel des cours" de plusieurs semaines avec une sorte d'enseignement alternatif avec aide individualisée. À Saint-Laurent, ce moyen de pression des profs aurait pris la forme d'un "on répète le même cours" (selon ce document d'histoire du Syndicat des profs du Cégep de Maisonneuve) : «À Saint-Laurent en particulier, les profs ont voté un « gel de cours » : ils se présentent en classe, et répètent le cours précédent — ad nauseam.» Le "mouvement national" a duré 2-3 semaines dans près d'une vingtaine de Cégeps, mais six semaines à Saint-Laurent.

Un livre a été écrit sur le sujet, m'a-t-on dit, livre qu'il faudrait retrouver. Les camarades m'ont en outre expliqué qu'ils et elles avaient reçu des ateliers, lors de leur Cégep Populaire, au sujet de ce qui se serait réellement passé à l'époque. Apparemment, l'annulation fut un échec lamentable pour le gouvernement. Les cours d'une session entière furent repris l'automne suivant en seulement six semaines à l'époque, et le gouvernement voulant se sortir de ce mauvais pas n'a pas pris la peine de faire du zèle : il n'a même pas appliqué les barèmes d’évaluation habituels, levant les yeux sur son propre cafouillage. Il faut dire que lors de cette "grève" d'une session entière, les professeurs avaient dispensé un "enseignement alternatif" qui avait déplu à l'État, que la tentative de reprise des cours durant l'été avait été un échec cuisant avec un taux de participation aux reprises d'environ 10%, et que suite à cet échec, il a fallu improviser.

C'est, en gros, ce que je me souvient du récit des camarades de Saint-Laurent. Une archiviste a donné l'atelier à deux reprises aux grévistes cette année, et la réappropriation de l'histoire par elles et eux a tenu l'administration en respect, car des étudiant-e-s -- qui n'étaient même pas né-e-s en 1973 -- en savaient plus que l'intégralité des personnels autour d'elles et eux. Ce serait peut-être bien de pouvoir contacter la personne qui a donné l'atelier pour déterminer jusqu’où nous pouvons être certaines et certains quand nous disons qu'il est impossible que la session soit annulée, à cause des conséquences beaucoup trop terribles que cela occasionnerait pour l'État et les administrations. Nous aurions un coup d'avance sur le gouvernement et pourrions assurément poursuivre la grève avec l'assurance que nous sommes en train de le forcer dans ses plus extrêmes retranchements.

Je nous suggère donc d'en savoir davantage sur la question de l'annulation et de brandir notre menace d'autant plus franchement. Contactons des personnes-ressources, produisons une brochure sur le sujet, évaluons concrètement quelle genre de catastrophe nous menaçons de causer et plutôt que d'être incertain-e-s, nous redoubleront d'assurance que nous devons poursuivre cette grève jusqu'à la victoire.

Pour lancer une idée, j'ai cherché à en savoir plus sur l'histoire de 1973 à Saint-Laurent, et je suis tombé sur un verbatim fort instructif sur le cafouillage terrible qui s'est produit. C'est Claude Charron qui s'exprime dans le papier, le texte est par endroit assez croustillant : «Dire qu'il ne s'est rien passé <pendant le gel des cours de 1973>, ou comme pourrait le prétendre le Ralliement créditiste <un vieux parti de droite>, qu'on a fait l'amour sur les calorifères plutôt que de dispenser des cours dans le CEGEP et d'aller à l’enseignement, comme c'est la fonction normale d'un CEGEP, c'est faux.»

Je vous laisse sur ces belles paroles...

Cordialement,

-Frank
Étudiant en sciences sociales



2012/4/8 Louis-Philippe Véronneau <veronneaulp@gmail.com>

Belle douche froide. Nous manquons peut-être effectivement de recul à force d'être plongé dans le mouvement, mais j'ai peur de n'être pas totalement d'accord avec toi.

La force première de l'ASSÉ a toujours été la mobilisation; être en mesure de sortir et de propager un discours construit de manière efficace est au coeur même du syndicalisme de combat, bien avant le principe d'action directe.

Avant le début de la grève, cette force de mobilisation a été investie à l'intérieur de nos campus dans le but de convaincre les membres de nos associations étudiantes de la nécessité de la grève. Et nous avons réussit.

Nous faisons cependant face à un nouveau problème: maintenant que le mouvement de grève est entamé, nous n'avons plus "accès" à ces personnes car elles ne sont plus sur les campus. Et Dieu sait que le résultat d'une AG se joue bien avant celle-ci.

C'est ici d'après moi que le débat sur la critique des médias devient important. Personnellement, mis-à-part tracter du matériel d'information avant nos AG et y faire des discours souvent bien peu écoutés, la seule autre manière de faire passer un message un tant soit peu structuré - désolé pour les aficionados des réseaux sociaux – repose selon moi dans les médias de masse.

Effectivement, les médias ne sont que des instruments, et il faut les considérer ainsi. Notre lutte ne doit pas tourner autour de ceux-ci, car nous risquerions de devenir comme les Fédérations étudiantes. Mais nous devons tout de même en prendre compte, car en ce moment, ce sont eux qui "mobbent" à notre place, et ce avec une efficacité royale.

Je ne sais pas comment réagir à ton message : oui, tout va très vite ces temps-ci et j'ai l'impression que la grève est en train de nous passer sous le nez. Mais que faire?

Nous ne pouvons pas, en congrès, prévoir ce qui va se dérouler dans les semaines à venir, car ce n'est pas selon moi le lieu pour le faire. Du moins, pas durant la grève.

La réflexion nécessite du temps et de la patience. Les congrès sont des lieux où nous nous devons d'apporter d'abord et avant tout les mandats que nous ont donnés nos Assemblées Générales et prendre des décisions concrètes.

Pourquoi ne pas plutôt relayer les débats sur des listes comme ASSÉ-SUPPORT (pas sur Facebook, pas pitié) pour favoriser des discutions plus pertinentes et plus réfléchies?

Sur ce, lançons ici et maintenant le débat :


  1. La ministre elle-même a déjà discréditée le RPR dans une merveilleuse entrevue avec la revue l'Actualité, et ce bien avant de faire son offre :

    « Pourquoi ne pas avoir revu en profondeur la façon de financer les études? Par exemple en instaurant un système de remboursements proportionnels au revenu (RPR) ou en fixant les droits de scolarité en fonction des coûts réels de la formation?

    Contribuer à l'éducation en fonction des revenus, ça fait déjà partie du modèle québécois : ça s'appelle l'impôt! Les diplomés universitaires toucheront dans leur vie entre 550 000 et 750 000 dollars de plus que les autres diplômés. Ils pairont donc plus d'impôts.

    Dans le cas des coûts en fonction de la famille d'études, on s'est penchés sur cette option. Mais on voit que hausser les droit de scolarité sucite déjà une forte réaction, imaginez le casse-tête pour assurer l'accessibilité à un programme de médecine avec un régime de prêts et bourses si ça coûte, par exemple, 22 000 dollars par année. C'était très complexe. Et des universités en région nous ont mise en garde contre le danger de créer deux classes d'universités, celles qui offrent de grands programmes chers et les autres »

    L'Actualité, « Entrevue avec Line Beauchamp – La cour est pleine! », édition du 15 avril 2012.<


  2. Peut-on réellement intensifier nos actions? J'en doute fort... Je citerai ici les paroles de François Giguère, exécutant à l'ANEEQ en 1986, lors de la dernière AG de Maisonneuve : « Si vous voulez gagner, ce qu'il faut faire, c'est tenir un jour de plus que le gouvernement. Juste un. »

    Bref, notre plus grand moyen de pression reste encore et toujours la grève.


  3. Ce qui nous amène au point 3 de Keena : l'annulation de la session. Sujet épineux, c'est également le plus grand atout que nous avons dans cette grève. Selons nos dires, le gouvernement ne peux pas annuler la session. Est-ce vrai?

    Je crois que c'est une question que nous nous demandons de plus en plus au fur et à mesure que les jours défilent devant nos yeux. Moi-même je n'en suis plus si sûr. Mais ce doute pourrait également être vu comme une bonne chose. Si nous sommes en train de nous dire que cela commence à être une réalité à envisager, imaginez un peu le gouvernement... Car au final, si cela arrive, c'est lui qui sera pris avec tous les troubles que cela implique.

    La suggestion de Keena est cependant très intéressante : apporter le débat en Assemblée Générale dans le but de prendre le gouvernement de court et lui signifier que nous sommes prêt-e-s à aller jusqu'à l'annulation de nos sessions s'il le faut.

    C'est un débat que nous avons déjà depuis deux semaines à la SOGÉÉCOM, et il en est ressorti que, oui, si une telle proposition parvenait à être votée à très forte majorité, elle nous menèrait sûrement très loin, mais que par contre, les risques de mobilisation de la majorité silencieuse (celle qui ne vient pas aux AG) sont très grands. De plus, le débat pourrait créer un vent de panique dans l'AG, l'annulation étant abordée comme un fait bien réel.

    Bref, oui pour les associations de l'UQÀM et non pour Maisonneuve.


Voilà, j'espère franchement que, malgré la longueur de mon message, d'autre apporterons leurs points de vue à ce débat au combien pertinent.


Louis-Philippe Véronneau




Le 7 avril 2012 23:50, keena Grégoire <keenagregoire@gmail.com> a écrit :
De notre responsabilité commune face à l'histoire

Camarades,

Je vous écrit parce que je suis bien inquiet actuellement. Ayant assisté au dernier congrès, je suis particulièrement consterné des discussions que j'y aie vu, et surtout de celles qui n'ont pas eu lieu.

Le mouvement de grève que nous menons actuellement sort des sentiers battues. Nous arrivons à un stade de la lutte où les comparaisons ne tiennent plus, et nous ne pouvons nous baser sur les deniers mouvements de grève pour prédire ce qui se passera dans les prochaines semaines. En ce sens, le Congrès est, plus que jamais, appelé à assumer d'immenses responsabilités, et il ne peut se permettre de ne pas le faire.

Lors du Congrès d'en fin de semaine, j'ai vu ce dernier parler pendant des heures et des heures d'enjeux plus ou moins liés à la question des médias. Un enjeu supposément secondaire. Qui n'est pas à la base de notre stratégie, qui ne devrait pas être au coeur de notre mouvement, et ce selon nos propres mandats. Et pendant ce temps, voici une liste non-exhaustive des enjeux cruciaux qui n'ont pas été abordés au courant du congrès et qui auraient dû l'être:

  1. Comment faire en sorte de discréditer au maximum le RPR comme solution alternative à la hausse des frais de scolarité? Comment pouvons-nous nous assurer que cette offre scandaleuse ne viendra pas affecter les votes de reconduction de grève?

  2. Quelle est la stratégie globale face à nos différentes actions dans les semaines à venir pour faire plier le gouvernement? Quel est le fil conducteur de tout cela, dans quelle direction nous dirigeons-nous?

  3. Nous arrivons de plus en plus prêt du stade critique où il deviendra impossible de prolonger davantage les sessions. Quelle est notre perspective face à cette question? Voulons-nous apportez des débats dans les AG afin de nous même constater l'annulation de notre session au delà d'une certaine date critique, ou laissons-nous cette tâche au gouvernement directement? Quel est notre perspective face à cette épée de Damoclès qui se fait de plus en plus présente?

Le Congrès a le devoir de se pencher sur ce genre de question. Nous ne sommes pas en train de jouer dans un carré de sable et ne pouvons nous permettre de faire à notre guise en discutant de n'importe quoi, n'importe comment.

La CLASSE est l'organisation qui mène brillamment cette grève, et ce depuis le début. Avec cela viens de grandes responsabilités, et nous nous devons de les assumer et d'être exigent-e-s face à nous même. Il en va de la réussite ou de l'échec de notre mouvement.

Keena Grégoire


__________________________________________Liste asse-support.

Liste de discution de l'Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante (ASSÉ)

support@listes.asse-solidarite.qc.ca


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