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Déclaration
du 25 avril
2012 pour la défense de la société
Le Québec
vit actuellement une
des crises les plus profondes de son histoire depuis la
crise d’Octobre. Le
gouvernement dit que les dés sont joués, que la fatalité
du destin aurait mené
la société québécoise et ses universités à intégrer le
capitalisme globalisé. D’autres
prônent le dialogue et le consensus. Mais le dialogue est
impossible. Le
gouvernement autoritaire n’écoute pas : il oppose les
injonctions, les
matraques et l’humiliation. Il demande aux étudiant-e-s de
s’excuser chaque
fois qu’une poubelle est renversée. Ou qu’une banque est
bloquée durant l’heure
du diner. Nous sommes dans l’impasse.
Aucune de
ces deux positions
n’est en mesure d’évaluer la gravité de la crise qui se
joue dans les sociétés
occidentales, et dont la grève étudiante n’est qu’un
symptôme. Il s’agit d’une
crise civilisationnelle qui dépasse la crise de 1929 : il
s’agit d’une
crise du capitalisme dans sa forme de reproduction qui
l’oppose de façon
irréductible au travail, à la nature et aux acquis sociaux
de l’humanité. Le
capital, pour se valoriser, n’a d’autre choix que de
s’attaquer au patrimoine
commun de l’humanité, et d’obliger chacun à payer le prix
de son inclusion dans
le système. Et en porte-parole du capitalisme globalisé,
l’élite économique
défend bec et ongles le prix d’entrée dans ses domaines.
Cette
élite a changé. Elle n’est
plus de ce monde. Elle a coupé tout rapport avec le
peuple, s’est retournée
contre le peuple. Il s’agit d’une élite transnationale et
déterritorialisée qui
n’a qu’un but : profiter de la transformation des profits
en rente. Pour
ensuite se tirer. Le Plan Nord en est l’exemple achevé. Le
détournement de la
mission des universités suit derrière. En conséquence,
nous assistons à la
dépossession de la capacité des individus et des peuples
d’agir sur leur propre
destin. Désormais, pour faire partie de cette
« dissociété », il faut
payer un droit d’entrée pour pouvoir espérer bénéficier
d’un revenu et d’un
pouvoir d’achat. Mais il faut dissiper ce mirage du succès
qui viendra après la
lutte concurrentielle.
Partout,
nous voyons la crise, en
Europe comme ailleurs. Partout s’étale devant nos yeux le
même spectacle
d’élites accrochées à leurs mêmes privilèges, se déchaîner
contre les peuples.
Ne laissant ainsi aux uns que le choix de se contenter des
conditions de survie
de plus en plus austères et horribles, et aux autres la
course concurrentielle pour
faire partie des « amis de Davos » et participer aux
sérails de
l’élite globalisée. Pour eux, il faudra payer le prix
fort, et accepter de
nombreux sacrifices. Tel est l’avenir que l’on présente à
cette jeunesse qui
doit non seulement travailler d’arrache-pied pour
atteindre un niveau
d’éducation en accord avec les niveaux de la concurrence
mais aussi valoriser
leur diplômes, dont la « valeur » dépend du prix que l’on
a bien
voulu accorder sur le marché.
La
jeunesse du Québec l’a bien
compris et elle n’est pas dupe. Elle se bat pour défendre
la société et la
justice contre la barbarie et les élites qui l’ont déjà
trahi. Nous sommes en
présence d’un conflit proprement politique qui oppose les
élites déjà
globalisées et déracinées à ceux et celles qui savent que
notre seul avenir est
la justice et le commun. Nous lançons un appel au peuple :
la seule
position possible est de s’opposer résolument à ce
gouvernement qui cherche à
diviser le peuple. L’existence de la société, la nôtre,
est non-négociable. Les
élites nous ont déclaré la guerre avec une puissance
économique, policière,
judiciaire, médiatique qui doit trouver une réponse
politique. Contre leur
violence, nous appelons à la résistance. Nous appelons à
l’unité des forces en
lutte, par-delà les différences, pour la défense du monde
commun, dans un monde
dont nous avons hérité, et que nous désirons transmettre.
Et pour la défense de
ce qui nous constitue comme être humain, c’est-a-dire
notre capacité de mettre
en commun notre puissance de vivre : notre liberté.
Benoît
Coutu, chargé de cours,
sociologie, UQAM.
Eric
Martin, professeur,
philosophie, Edouard-Montpetit.
Maxime
Ouellet, professeur
associé, école des médias, UQAM.
François
L’Italien, chercheur
post-doctoral, Université Laval.
Jean-Michel
Marcoux, chercheur
indépendant.
Jacques
Mascotto, professeur
associé, sociologie, UQAM.