Depuis quelque temps, certaines associations étudiantes montréalaises estiment devoir
prendre sur elles-mêmes de dénoncer le montréalocentrisme, fléau qui ferait rage au sein
de l'ASSÉ et qui minerait la capacité des régions à s'organiser. L'indignation
va même parfois jusqu'à proposer de geler les cotisations prévues pour le national et
de les mettre à la disposition des conseils régionaux.
Du point de vue de plusieurs militant-e-s de Québec, cette attitude ne relève de rien de
moins que du paternalisme; ces associations semblent oublier le fait qu'à
l'automne dernier, le lieu de la plus grande effervescence du mouvement étudiant était
situé hors Montréal et que, à Montréal, sous prétexte de fatigue militante, le mouvement
syndical a été boudé, sans parler de la manifestation féministe, organisée «en région»,
par le national, qui n'a pas été jugée suffisamment importante pour le déplacement.
Effectivement, se déchaîner à critiquer le féminisme au national tout en le délaissant
volontairement nous paraît aberrant. Si l'importance de la mobilisation au local
s'avère plus grande que jamais, le contexte politique s'étant apaisé, les
associations parties en guerre contre l'exécutif semblent oublier que, justement,
l'équipe nationale peut et doit être présente sur les campus et que l'expérience
de ses membres, sa vision plus large (à la fois en ce qui concerne le long terme et
l'état du mouvement étudiant dans tout le Québec) est un atout à valoriser plutôt
qu'à dénigrer.
Certaines problématiques doivent manifestement être adressées et si des associations ont
des griefs à faire quant à la structure organisationnelle de l'ASSÉ, qu'elles ne
le fassent pas en se posant comme défenseuses des régions, et surtout pas en prenant en
otage l'organisation qu'elles disent vouloir réformer pour le mieux. L'emploi
de cette stratégie, le chantage, laisse paraître une dynamique que ses idéologues
dénonceraient assurément : une affirmation de puissance des grandes associations par la
mesure de leur contribution financière à l'ASSÉ. Face à ce genre de pratique, les
trois votes en congrès du Cégep de Mont-Laurier semblent valoir beaucoup moins que ceux de
l'AECSL, transformant ainsi ce lieu potentiel de discussion et de réflexion en simple
expression de rapports de force. Si cette gamique devait réellement être mise de
l'avant, nous suggérons le retrait du droit de vote en instance des associations en
boycott, que nous estimons être le juste retour du balancier. L'idée d'encourager
la désobéissance civile dans des espaces de délibération démocratique et «l'adoption
de mandats trolls» sonnent pour nous l'alarme; certaines associations doivent cesser
de se poser à la fois comme centre du monde et comme défenseuses des régions. Le
montréalocentrisme de l'antimontréalocentrisme nous apparaît comme une relation
paradoxale des plus nuisibles.
Le silence des assos hors-Montréal et la prise de parole « rebelle » de certaines sur
l'île permet vraisemblablement de comprendre que les associations situées en région
sont au plus satisfaites du fonctionnement actuel et au moins qu'elles ne souhaitent
pas en faire un cheval de bataille. La complémentarité d'un congrès national où toutes
les assos peuvent venir débattre, de comités -dont le comité Journal- où tous et toutes
peuvent s'impliquer et de conseils régionaux organisant des actions, donne à leurs
membres l'opportunité de combattre, tant au local qu'au national, le
montréalocentrisme (et, surtout, le néolibéralisme). L'indignation d'autres
associations relève peut-être plutôt de l'impression d'une perte de contrôle sur
le congrès et son exécutif, qui ne se plient plus à leur volonté comme ce fût peut-être
déjà le cas avant l'élargissement des structures de l'ASSÉ. Nous touchons
peut-être ici le fond du paradoxe. Effectivement, les idéologues spontanéistes
s'accordent bien mal à la nouvelle réalité d'une association qui ne peut se
déplacer d'un claquement de doigts, tant à cause de l'hétérogénéité de ses
positions que par son étendue géographique, et qui nécessite la présence d'un journal
«à la ligne dure» que l'on peut distribuer, d'un plan d'action «imposé au
local» qui permet de concerter notre escalade des moyens de pression et d'un exécutif
«hermétique» qui connaît l'état global des lieux et qui a le temps de s'impliquer
sur l'ensemble du terrain. Si certain-es croient pouvoir faire sans ces éléments
organisationnels, ils sont d'après nous une condition nécessaire à l'avancement de
nos causes. Le paternalisme, les menaces et le mépris doivent cesser : c'est par la
solidarité que nous arriverons à inclure un plus grand nombre d'associations motivées
par les pratiques combatives de l'ASSÉ et par la lutte que nous vaincrons!
Nous espérons que notre réflexion favorisera la prise de parole des autres associations
considérées comme étant «en région».
Louis Gauthier Desmeules (AGECFXG), Simon Marcoux-Piché (RÉSUL), Félicia St-Arnault
(AGECFXG), Alex Saulnier (AÉÉA), Lou manuel Arsenault (RÉSUL), Myriam Nadeau (ABEILL),
Pablo Inti Eli (AGEECL), Nadhem Saidane (APEL), Raphael Létourneau (RÉSUL), Marie-Philippe
Paquet (RÉSUL), Camille Limoge (AGECFXG), Justin Lavoie (ASETIN), Inès Allard (AECSF),
Antoine Proulx (AEEH) , Claude Cournoyer-Cloutier (AGECFXG), Emmanuel Guay (RÉSUL), Sarah
Robinson-Arsenault (AGECFXG), Raffaela Abbate (AGECFXG), Raphael Lapierre (RÉSUL), Naomie
Tremblay-Trudeau (AGECFXG), Lény Painchaud (ABEILL), Dominique Gagné-Giguère (AEESPUL),
Marilou Landry(ABEILL), Félix Marois (AEEBUL), Julien Jolicoeur-Dugré (AGEEP), Nicolas
Pelletier (AEEH), Philippe Pelletier (MÉSUL), André-Philippe Doré,(AÉÉÉA ), Félix Étienne
(AGEECL).