Salut,
Je vous partage une réflexion à la lumière du Congrès de la fin de semaine
passée.
*Toute analyse politique de l'ASSÉ et du mouvement étudiant doit être
féministe*
Il y a quelque chose de pernicieux à la misogynie (et au sexisme en
général). Alors qu'il y a des manifestations visible de celle-ci
(féminicide, sexisme ordinaire, répartition sexuelle des tâches, viols et
maintien de la peur par la violence, violence domestique, mythe de l'équité
salariale et le fait qu'au Québec, les femmes travaillent plus souvent au
salaire minimum que les hommes et doivent quitter leurs emplois pour
s'occuper de leur famille, manque de représentativité féminine en
politique, droit reproductifs retirés et/ou limités des femmes,
prostitution, manipulation de la sexualité des femmes et j'en passe), une
part du travail de la misogynie s'opère dans l'ombre.
Il arrive parfois que nous, femmes, ne sommes pas capables, ne serait-ce
que par épuisement ou par peur de représailles (car oui il y en a), de
verbaliser un sentiment, de sortir les dernières statistiques sur la
violence x dans un contexte y ou d'analyser les systèmes qui nous
subordonnent, mais nous savons tout de même qu'il y a des comportements,
des attitudes, des regards portés et imposés sur nous par le simple fait
d'être femme.
Cette socialisation nous précède: en même temps qu'on apprend à notre
entourage de nous voir comme des mères ou des « salopes » (dichotomie qui
existe pour nous utiliser pour nos ressources), les structures, discours et
images facilitent le travail de socialisation sexiste. On apprend donc, par
ricochet, d'accorder moins d'importance à nos propos que ceux des hommes,
d'exister pour les autres ou de nous voir comme hystériques lorsque nous
manifestons notre ras-le-bol. Or, notre développement se fait dans des
paramètres problématiques, ce qui nous pousse à intérioriser des
comportements et attitudes.
Transposons maintenant cette socialisation au contexte du Congrès de
l'ASSÉ. Je ne veux pas m'attarder ici aux raisons des critiques, comme il
s'agit d'un autre débat autour de la légitimité ou non d'avoir envoyé un
tel texte à ses membres. Prenons comme base commune qu'une faute de
jugement fut commise et que les membres ont démontré un désir d'adresser
cette faute.
Avec un exécutif composé majoritairement de femmes, on se doit de se
questionner sur l'importance de la présence de celles-ci à la lumière des
critiques adressées. Il m'apparait donc dur de ne pas imaginer quelles
auraient été les répercussions vécues par un exécutif davantage masculin.
Est-ce que l’aggressivité des propos, le ton, la méfiance et la violence
accoteraient ce qui s'est vu dans les commentaires (Facebook et autres) qui
se réjouissaient de la destitution? Il y a certes des critiques formulées à
l’égard des super militants masculins, autant sur la Toile qu’en instance,
mais la violence est-elle du même ordre? Est-ce que nous nous en permettons
autant? Lorsque nous critiquons des comportements de militant-es, existe
t-il des commentaires différenciés en fonction des sexes?
Publiquement, j'ai souvent vu des personnes traiter des
porte-paroles/militants masculins «d'imbéciles» ou de «fils de riche». Les
femmes, quant à elles, sont des «putes de riches» qui méritent le viol ou
des «attention whore» «mal coiffées». Il y a clairement un écart entre les
insultes. Or, si ces commentaires s'affichent explicitement dans les
nombreux groupes du mouvement étudiant, imaginez ce qui réside en nous - ce
qui ne peut être effacé même avec une connaissance accrue de la lutte
féministe, de notre statut de féministe ou d'allié.
Avec plus largement les évènements de l’année 2014-2015 vécus par le comité
femmes de l’ASSÉ (proposition maladroite, mais tout de même violente de
reporter le camp de formation féministe pour laisser place à une
manifestation, mise en dépôt du congrès femmes car les associations vivent
sur des mandats larges du féminisme, mais rares sont celles qui arrivent à
mettre en application ces positions, et le cantonnement du travail
féministe par les comité femmes), il devient évident qu’un problème de
sexisme pullule dans la gauche. Ce problème s'ajoute à celui des différends
politiques: des guerres entre «réfos», «rouges» et «noirs».
Des alliés existent: ils sont rares, mais ils sont présents. Des femmes qui
adoptent des comportements typiquement masculins existent aussi, parfois
par instinct de survie dans un monde d'hommes. Cependant, les attitudes
misogynes sont intériorisées, et écarter le fait qu'il y avait quatre
femmes et un homme sur l'exécutif au moment du congrès me semblerait passer
à coté d'une piste d'analyse précieuse.
Solidairement,
Alexandra Pelletier