Je vous transfert un texte reçu à l'adresse webmestre, de la part d'un
étudiant ou une étudiante souhaitant s'adresser aux membres de l'ASSÉ :
Marianita Hamel
Permanente syndicale pour l'ASSÉ*
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La stratégie des fédérations ou une entente à rabais?*
Les derniers événements suivant la manifestation nationale du 10
novembre tendent à nous laisser penser que les fédérations
étudiantes, ou du moins leurs exécutant-e-s, n'ont pas joué franc
jeu lors de leurs sorties publiques et dans leur discours contre la
hausse depuis le début de la session. Le présent texte se veut un
bref retour sur une session riche en rebondissements et en
retournements de situations.
Situons premièrement le début de notre analyse au début de l'été.
D'après les gens présents, lors du camp de formation de la FEUQ, la
ligne politique que défendent /ad nauseam/ à qui veut bien
l'entendre les associations membres ainsi que les exécutifs de la
FEUQ et la FECQ (également présent-e-s) est celle d'une lutte contre
la hausse sans compromis possibles. Il s'agit alors d'une ligne
'dure' de la part des fédérations.
Les semaines passent, les premières actions de l'automne ont lieu et
sont encourageantes. Le tout rentre, pour les membres des
fédérations, dans le cadre d'un plan d'action confidentiel et
strictement limité à la session d'automne (l'hiver étant jugé trop
loin pour penser à élaborer une stratégie formelle dans l'immédiat).
La ligne présentée est alors d'attendre, de voir si la mobilisation
avance et de fonder tous les espoirs sur les quelques actions
directes qui pourraient avoir lieu, mais surtout sur la
manifestation du 10 novembre, présentée comme le /summum/ de la
mobilisation étudiante devant faire reculer le gouvernement. Il
n'est finalement jamais question de grève, cette dernière étant
systématiquement évacuée du discours pour de supposées raisons de
/momentum/. Le tabou est en fait très fort et les exécutifs refusent
d'aborder la question, la renvoyant à d'éventuelles consultations
des membres.
Le 10 novembre finit par arriver, avec son lot de tensions entre
organisations nationales quant aux balises de la manifestation et le
refus de la FEUQ de s'engager auprès des autres syndicats et
organisations. Il s'agit alors du premier point de friction
important depuis le début de la session et, somme toute, d'un bon
indicateur de ce qui allait venir après, même si l'on était alors
loin de s'imaginer l'ampleur de la manoeuvre des fédérations.
La manifestation a lieu et plus de 30 000 étudiant-e-s vont alors
être dans la rue pour signifier leur opposition au gouvernement.
Malgré cela, il n'est jamais fait allusion à la grève, à part dans
le discours de l'ASSÉ et en partie de la TACEQ. Bien au contraire,
le soir même, on assiste à la première fuite dans le discours de la
part de la FECQ. En évoquant l'opposition à la hausse des frais de
scolarité on parle d'une question de justice sociale et l'on propose
parmi les solutions l'impôt...post universitaire notamment. La
sortie est remarquée dans le milieu étudiant bien que noyée parmi le
nombre d'articles rédigés sur la journée et sur la question de la
hausse des frais de scolarité. La FECQ argue alors qu'il s'agit
d'une mauvaise communication et d'une ligne média mal reprise au
montage.
Quelques jours plus tard, des bruits circulent sur la volonté du
président de la FECQ de faire une sortie sur l'Impôt
post-universitaire (IPU) ainsi que sur le Remboursement
proportionnel au revenu (RPR), deux mesures fiscales douteuses
destinées à taxer les diplomé-e-s. Cette sortie n'aura finalement
pas lieu, la pression interne ayant semble-t-il été trop forte. Par
contre, une sortie avec le Parti Québécois est effectuée. Ce même
parti se disant en faveur d'états généraux du type 6 décembre 2010
avant de prendre une décision, mais dont tout le monde sait très
bien qu'il est minimalement pour l'indexation des frais de scolarité.
Autre gaffe médiatique (ou sortie réfléchie, c'est selon...), en
entrevue aux Francs tireurs, Martine Desjardins, présidente de la
FEUQ, affirme que la hausse n'est pas vraiment le problème en soi,
mais bien plus le fait qu'elle ne soit pas vraiment justifiée.
Encore une fois, on évoque une coupure au montage pour justifier la
ligne. Le glissement qui semble s'effectuer inquiète toutefois
beaucoup de gens.
Ce n'est que quelques jours après que l'on commence à avoir la
certitude que quelque chose se trame en coulisse du côté des
fédérations, alors que des documents internes à la FECQ commencent à
circuler. La FECQ propose alors dans ces documents de travail
d'abolir les crédits d'impôts liés aux droits de scolarité afin de
redistribuer cet argent dans l'aide financière aux études.
Finalement, ces documents se retrouvent rapidement dans les mains
des médias. À ce moment précis, au lieu d'affirmer que ces documents
ne sont que des versions de travail et que la hausse n'est pas
négociable, les exécutifs des fédérations vont de l'avant (dans La
Presse et dans le Devoir notamment) en affirmant que ces mesures
pourraient être des monnaies d'échange contre le gel des frais de
scolarité.
Par ailleurs, au sein du mouvement étudiant les fédérations tentent
de justifier l'existence de telles recherches. On entendra notamment
des commentaires sur le caractère purement interne des documents
dévoilés et sur le fait que ceux-ci n'auraient jamais dû être
divulgués. Cela étant dit, comment croire que ces documents ne sont
pas des signes d'un plan plus large? De telles études sont le fruit
de commandes formulées par des exécutifs nationaux qui rentrent dans
une réflexion plus large et plus globale de la campagne.
Et c'est là que le bât blesse. Après le 10 novembre, le discours
vient totalement de changer. Alors qu'on parlait d'une opposition
ferme aux hausses, d'un rejet de toute idée de négociation, les
exécutifs des fédérations commencent à avancer l'idée de payer la
hausse autrement que par les frais de scolarité, notamment par des
mesures comme le RPR et l'IPU ou l'abolition de crédits d'impôt.
Impossible alors de ne pas se souvenir de la timidité des exécutifs
des fédérations à parler de grève. Impossible de ne pas y voir un
lien. Impossible de ne pas se dire que les rapports commandés par
les exécutifs n'ont pas de lien avec la situation de mobilisation
plus que moyenne que les fédérations ont préféré maintenir.
Impossible de se dire que les fédérations vont venir proposer la
grève comme moyen. Impossible de ne pas voir la table dressée pour
les négociations à rabais. Impossible de ne pas ressentir un vague
sentiment de trahison face au changement de la ligne de
communication. Impossible de ne pas se sentir floué-e par des
manoeuvres prévues d'avance, mais minutieusement dissimulées.
Si l'on pourra laisser, en tout temps, le bénéfice du doute aux
membres des associations des fédérations étudiantes, il est
primordial de souligner et dénoncer les manoeuvres des exécutifs
nationaux des fédérations. Il est également doublement important de
tenter d'informer les membres des fédérations étudiantes de ce qui
se déroule 'au sommet'.
Par ailleurs, sur le plan stratégique, face à de telles manigances,
il est facile de se dire que la position de /deal breaker/ des
fédérations sera la suivante : "Nous avons évité la grève, nous
avons obtenu le gel en faisant des concessions limitées, n'est-ce
pas un gain?". Cette ligne est prévisible. Nous devons la dénoncer.
Impossible également de ne pas se dire que la FEUQ tentera de
négocier avant le déclenchement des élections. Impossible de se dire
que l'arme électoraliste ne sera pas argument des fédérations. Le
gel en échange de coupures ailleurs deviendra une façon d'acheter la
paix sociale pour un Parti Libéral bien en peine dans les sondages.
Il ne faut pas négliger cet aspect de la question.
Considérant ces réalités, du côté de l'ASSÉ et de la CLASSE, il faut
intensifier nos efforts pour nous rendre vers la grève. Face à des
fédérations qui entendent probablement tenter de négocier avec le
gouvernement derrière des portes closes au début de la grève ou
avant même son déclenchement, nous devons nous renforcer sur nos
propres bases. En effet, seul un mouvement très large fera en sorte
de discréditer les actions et les négociations de la FEUQ qui elle
ne sera surement pas en grève.
Face au changement de discours des fédérations étudiantes nous
devrons également rappeler que notre opposition à la hausse ne doit
jamais se faire au détriment d'autres luttes sociales ou par le
biais de coupes dans d'autres secteurs de l'État. Nous devrons
toujours maintenir notre ligne de solidarité et de gratuité
scolaire. Surtout quand cette ligne est de plus en plus crédible
économiquement et recueille toujours plus d'appuis dans la société.
Quant à la collaboration enfin, est-il vraiment utile de revenir sur
cette question tant elle parait maintenant futile? Aux tenants de la
collaboration et aux exécutifs locaux qui continuent à 'vendre'
l'idée comme seule façon de 'gagner', nous n'aurons que ces quelques
mots : comment voulez-vous raisonnablement collaborer avec des gens
qui veulent négocier notre appauvrissement, mêmes post-études, avec
le gouvernement? Il n'y a plus de collaboration possible entre
organisations nationales à partir du moment où certaines sont prêtes
à aller contre les intérêts de leurs membres, à récupérer l'ensemble
du mouvement et à sacrifier d'autres mesures sociales pour faire des
gains politiques corporatistes à court terme. La tendance est lourde
historiquement. Les exécutifs locaux ont la responsabilité de
communiquer ces tendances aux membres. Ces derniers doivent savoir
qu'ils s'engagent dans une grève longue et coûteuse alors que les
fédérations entendent probablement ne pas en faire autant et même,
peut-être, aller contre ce mouvement. Il y en va d'une question
d'honnêteté intellectuelle et de transparence.
- Non signé par un-e étudiant-e.