Bonjour à tous-tes,
Dans la foulée des réflexions sur le Printemps 2015, voici un texte que je
me permets de partager pour alimenter nos pensées. Je n'en suis pas
l'auteure, mais je l'ai trouvé tout à fait en lien avec les précédents
textes de Myriam, Aleksandra et Vanessa.
Vous pouvez trouver le texte original ici:
http://www.unionlibre.net/printemps2015/
Je l'ai aussi copié collé:
*"Printemps 2015: quelques pistes de réflexion*
Le mouvement Printemps 2015 prend de l’ampleur avec des positions de
plusieurs associations étudiantes, une forte participation aux divers
comités, des campagnes de visibilité qui se multiplient et plusieurs
journées de grève et d’actions. À l’engouement grandissant que cela suscite
s’ajoutent aussi des questionnements, des incertitudes et des critiques
qui, selon nous, doivent être formulées et faire l’objet de discussions. Ce
qui nous amène à écrire ce texte est la volonté d’ouvrir un espace de
réflexion critique qui nous semble absent du présent mouvement. Notre
posture en est une d’autocritique, puisque nous prenons part à ce
mouvement, et c’est en ce sens que nous désirons partager nos réflexions et
nos questionnements sur les prochaines semaines, les prochains mois, mais
aussi sur les structures et le discours mis de l’avant.
Nous ressentons depuis le début de ce mouvement, et cela va en
s’amplifiant, un manque d’ouverture et de transparence (surtout en ce qui a
trait aux structures et aux visées). Pourtant, les comités Printemps se
veulent larges et inclusifs, ils cherchent à rallier l’ensemble de la
population, à sortir du cercle étudiant pour rejoindre les différents
acteurs et actrices du milieu de l’éducation, de la fonction publique, des
services sociaux, de la santé, les travailleurs-euses ainsi que les
individus sans emploi. Le manque d’ouverture n’est pas là; il se situe
plutôt dans l’absence de réceptivité à la critique et à la remise en
question.
Un mouvement fort ne peut pas se construire sur l’illusion d’une voix et
d’un discours unique. Il ne peut pas évacuer la réflexion pour n’être que
dans l’agir surtout quand cela passe par une attitude autoritaire. Nous
sommes néanmoins conscients-es du risque qu’à trop vouloir inclure et
rallier le plus grand nombre, le discours se dilue et l’action devient
vaine. Mais, en ce moment, force est de constater que les tensions
s’accumulent entre militants-es habituellement alliés-es, aussi il est
peut-être nécessaire d’ouvrir un espace d’autocritique, de réflexion, de
questionnement, mais surtout de dialogue ne passant pas par un mode de
confrontation. En aucun cas nous ne croyons qu’invoquer la situation
d’urgence justifie le rejet de la réflexion critique.
*Une grève sociale ou une grève étudiante?*
Printemps 2015 se veut un mouvement de lutte contre l’austérité qui appelle
à une grève sociale et même à la grève sauvage. Mais d’où vient
l’échéancier serré qui est proposé? Pourquoi cette grève doit-elle avoir
lieu à ce moment précis? Et pourquoi les débats l’entourant semblent-ils
absents comme si tout avait déjà été décidé d’avance et que maintenant un
seul choix était possible : être pour ou contre le mouvement?
L’argument le plus souvent entendu en ce qui a trait à l’échéancier est
celui du momentum actuel compte tenu des conventions collectives échues et
de la grogne dans les milieux syndicaux. Face aux multiples mesures
d’austérité annoncées et dans la foulée des lois antisyndicales, on a
effectivement été témoins, dans les dernières semaines, de levées de
boucliers importantes, de manifestations et d’actions de contestations,
d’articles, de chroniques et de communiqués contestant les mesures
gouvernementales. La manifestation du 31 octobre fut également une
importante démonstration de force sur laquelle il faut s’appuyer pour les
prochains mois. Nous sommes tous et toutes d’accord là-dessus. Il importe
toutefois de faire une analyse conjoncturelle de la situation, qui met en
perspective les possibilités réelles de déclencher une grève sociale à
court terme.
Comme nous l’avons dit, nous ne nous opposons pas au projet, mais nous
pensons qu’il y a lieu de questionner cette stratégie d’empressement. En
effet, malgré le sentiment de grogne généralisée, nous doutons de la
possibilité d’envisager une grève générale sociale susceptible de faire
échec au gouvernement libéral et à son agenda d’austérité dès le printemps
2015. Les forces institutionnelles susceptibles de faire la grève restent,
comme à l’habitude, essentiellement les associations étudiantes. Bien que
nous croyions au principe de grève sociale, nous ne pensons pas que la
réaliser au printemps 2015 soit réaliste, notamment en considérant
l’inertie syndicale, même en temps de négociation. Nous sommes plusieurs
personnes à voir dans l’empressement pour le printemps 2015 des entraves au
développement d’un mouvement mobilisé et informé. Et, nous n’avons même pas
abordé la question du bien-être en milieu militant.
*Prendre le temps d’avancer ensemble*
Le rythme actuel de l’escalade des moyens de pression nous semble trop
rapide, ce qui laisse des pans entiers de la population, ne serait-ce que
parmi les étudiants-es, derrière le mouvement. En ce sens, la stratégie
d’accumulation de journées de grève ponctuelles sans impact majeur sur
l’objectif nous semble questionnable. Cela comporte plusieurs risques dont
celui d’alimenter l’opposition et d’épuiser rapidement les militants-es,
alors que ce n’est que le début de la mobilisation.
S’il est important que des militants-es s’activent et commencent à poser
des actions de perturbations plus importantes, nous questionnons la
nécessité de déclencher des grèves ponctuelles pour assurer leur
participation. Plusieurs d’entre nous passent davantage de temps à lever
des cours universitaires qu’à poser des actions, produire et distribuer du
matériel d’information. En outre, nous avons vu davantage d’affiches de
loups et d’assemblées générales de grève que de contenu et de discours
concrets sur les mesures auxquelles nous sommes supposés-es nous attaquer.
Si les objectifs de cette campagne sont bien connus parmi les personnes les
plus impliquées, il faut reconnaître que ce n’est pas le cas pour toutes et
tous. Dans ces conditions, nous craignons que le mouvement frappe un mur
dans quelques mois, faute d’avoir pris le temps de mobiliser et de
consolider sa base. Ainsi, il faut assurer la transparence du processus, de
la stratégie et des objectifs, d’autant plus lors des débats en assemblée
générale.
*Des objectifs clairs*
Dans un contexte où il est fort probable que les grandes centrales
syndicales ne suivent pas un appel à la grève sociale au printemps 2015,
quels sont les sacrifices demandés aux étudiants-es? Qu’espérons-nous d’une
telle mobilisation? L’objectif est-il un mouvement social ou une grève
étudiante?
Si nous allons de l’avant avec l’échéancier pour le printemps 2015, force
est de constater que ce sera probablement une grève étudiante. Dans ce
contexte, être en grève permettrait avant tout de libérer du temps pour se
consacrer au militantisme. De plus, les étudiants-es, étant les seuls-es à
pouvoir faire grève hors de l’encadrement des lois, pourront agir pour
pallier aux restrictions du milieu syndical. Ces objectifs sont défendables
et valables, mais encore faudrait-il qu’ils soient clairement assumés,
expliqués et discutés dans les assemblées générales lorsque les
propositions de grèves générales illimitées commenceront à circuler. Pour
l’instant, même les personnes parmi les plus impliquées ont de la
difficulté à expliquer concrètement le pourquoi de cette grève. Pourtant,
cette stratégie a effectivement été réfléchie par une partie des
militants-es de Printemps 2015, sans pour autant avoir été explicitée;
pourquoi?
*Les limites de la non-structure*
Il est rafraîchissant et encourageant de voir une telle mobilisation
s’organiser à l’extérieur de nos structures traditionnelles, soit les
associations étudiantes. Pourquoi ressentons-nous le besoin de ces nouveaux
lieux? La lourdeur bureaucratique et l’exclusivité des instances du milieu
étudiant y sont sûrement des éléments de réponse. Cependant, il y a des
limites à cette forme d’organisation. Elles commencent déjà à se faire
sentir et deviendront probablement encore plus visibles au fur et à mesure
que le mouvement prendra de l’ampleur.
Comme cela été mentionné plus tôt, nous avons l’impression que le travail
de coordination est déjà en train de se faire, mais de manière informelle.
Nous sommes perplexes sur cette forme d’organisation qui est tout sauf
transparente et qui ne permet pas à l’ensemble du mouvement de
s’autodéterminer.
Tant qu’à fonctionner d’une telle manière, pourquoi ne pas utiliser les
institutions formelles qui, à défaut d’inclure tout le monde, au moins,
sont transparentes et possèdent déjà des mécanismes de redevabilité. Afin
de contrer ces effets négatifs, serait-il souhaitable d’assumer les
structures informelles des comités Printemps 2015 tout en créant un comité
de coordination? Celui-ci pourrait, entre autres, assurer la diffusion des
événements et des décisions à prendre concernant les communications
(notamment la question de porte-parole qui viendra peut-être plus vite que
l’on croit). Nous croyons fermement qu’il faut travailler à réduire les
effets d’une élite militante, que la non-structure au sein d’un mouvement
d’ampleur tend à engendrer. "
Texte de Maude Authier-Pigeon, Aude St-Martin, et Xavier Dandavino